Osservatorio delle libertà ed istituzioni religiose

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Osservatorio delle Libertà ed Istituzioni Religiose

Documenti • 25 Ottobre 2004

Sentenza 12 dicembre 2003

Corte di Cassazione. Sentenza 12 dicembre 2003: “Mariage putatif sans rite religieux”

(Omissis)

N° C.03.0078.F

v. d. S.-P. M., 3,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l’Athénée, 9, où il est fait élection de domicile,

contre

M. M.-A.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, boulevard Emile de Laveleye, 14, où il est fait élection de domicile.

I. La décision attaquée

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 23 septembre 2002 par la cour d’appel de Mons.

II. La procédure devant la Cour

Le conseiller Christian Storck a fait rapport.
L’avocat général André Henkes a conclu.

III. Les faits

Tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, les faits de la cause et les antécédents de la procédure peuvent être ainsi résumés :
Les parties ont vécu en concubinage pendant plusieurs années ; de leur union est née le 6 avril 1977 une fille que le demandeur a reconnue le 26 octobre 1988 à la mairie de Nice (France).
Le 12 novembre 1988, en présence de parents et d’amis réunis sur le bateau de plaisance ” Gallus 80 ” croisant en rade de Nice, a eu lieu une cérémonie dont le livre de bord rend compte, à la rubrique des actes de l’état civil, en constatant que les parties ont comparu devant le capitaine du navire, qui les a déclarées unies par les liens du mariage ; cet acte est signé par les parties, leurs témoins et le capitaine.
Après la séparation des parties, le demandeur a projeté de contracter mariage avec une demoiselle C. L.
La défenderesse ayant formé opposition à ce mariage, les futurs époux ont l’un et l’autre agi en mainlevée devant le tribunal de première instance de Charleroi, en demandant en outre la condamnation de l’opposante à des dommages-intérêts.
Par un premier jugement du 11 février 1994, le tribunal a joint les causes et ordonné la comparution personnelle des parties ainsi que la projection de la vidéocassette contenant le film de la cérémonie du 12 novembre 1988.
Le jugement subséquent du 29 juin 1994 accorde la mainlevée de l’opposition de la défenderesse mais, jugeant que celle-ci n’était pas abusive, déboute le demandeur et la demoiselle L. du surplus de leur demande.
Le demandeur a interjeté appel de ces jugements dans la mesure où ils lui refusaient des dommages-intérêts.
L’arrêt de la cour d’appel de Mons du 19 mai 1998 disant ce recours non fondé a été cassé par l’arrêt de la Cour du 11 février 2000 (Bull. et Pas., 2000, I, n° 111) au motif que la cour d’appel avait excédé les limites de sa saisine en se prononçant sur le bien-fondé de l’opposition de la défenderesse au mariage du demandeur.
La cause a été renvoyée devant la cour d’appel de Liège mais l’arrêt attaqué constate que les parties ont indiqué n’avoir ” pas l’intention de poursuivre la procédure “.
La défenderesse avait d’ailleurs cité le demandeur devant le tribunal de première instance de Charleroi afin d’entendre dire que le mariage célébré entre les parties le 12 novembre 1988 produit ses effets à son égard dès lors qu’elle était de bonne foi.
La défenderesse a formé en degré d’appel une demande nouvelle tendant à l’annulation du mariage allégué.
L’arrêt attaqué, qui déclare nul l’acte dressé le 12 novembre 1988 sur le ” Gallus 80 “, reconnaît à la défenderesse le bénéfice du mariage putatif.

IV. Les moyens de cassation

Le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants :

1. Premier moyen

Dispositions légales violées
– articles 68, 147, 170, 172, 177, 179, 189, 194 et 201, spécialement alinéa 2, du Code civil ;
– articles 23, 25, 26 et 27 du Code judiciaire ;
– articles 4, 5, 6 et 8 de la loi du 26 décembre 1891 sur les actes de l’état civil ;
– article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt attaqué, qui réforme partiellement le jugement entrepris, rejette l’appel incident du demandeur et, faisant droit à l’appel principal de la défenderesse et à sa demande nouvelle, déclare nul l’acte dressé le 12 novembre 1988 à Villefranche (France) sur le bateau Gallus 80, constatant le mariage des parties, accorde à la défenderesse le bénéfice du mariage putatif, ordonne la liquidation de la communauté ayant existé entre les parties, commet à cet effet trois notaires, condamne le demandeur à verser à la défenderesse, à titre de dommages-intérêts, la somme provisionnelle de 75.000 euros et réserve à statuer pour le surplus, aux motifs qu'” à tort, (le demandeur) soutient (…) que l’article 201 du Code civil n’est pas applicable en l’espèce puisque, pour demander le bénéfice du mariage putatif, il faut que le mariage ait été auparavant déclaré nul ; que, s’il est exact qu’aucune juridiction ne s’est actuellement prononcée sur la validité ou la nullité du mariage contracté par les parties le 12 novembre 1988, force est de constater qu’actuellement (la défenderesse) formule la demande de nullité de l’acte dressé sur le bateau Gallus à cette date (…) ; que l’article 189 du Code civil ne sera pas violé dans la mesure où la cour (d’appel) se prononcera d’abord sur la validité ou la nullité de l’acte dressé le 12 novembre 1988 et, ensuite, si ledit acte est déclaré nul, sur l’octroi éventuel du mariage putatif ; que (le demandeur) ne conteste pas que le livre de bord du Gallus 80 relate à la rubrique comportant notamment les termes ‘actes d’état civil’ que, ‘le 12 novembre 1988, ont comparu devant nous, J. P., capitaine de la marine marchande, chevalier du Mérite maritime, commandant du Gallus 80, Monsieur M. v. d. S.-P., d’une part, Madame M. M., d’autre part, que nous déclarons unis par les liens du mariage. Fait en mer, ce 12 novembre 1988’, texte signé par les parties, leurs témoins et le capitaine ; que ce document crée une apparence de célébration de mariage ; qu’il doit être déclaré nul ainsi que l’apparence de mariage dont il fait état ; qu’en effet, comme l’admet (le demandeur), le mariage n’a pas été célébré selon les formalités requises par la loi : le commandant de bord n’était pas officier de l’état civil, les bans n’avaient pas été publiés, l’acte de naissance (du demandeur) n’avait pas été produit ” et que, d’une part, ” contrairement à ce que soutient (le demandeur), l’arrêt de la Cour de cassation (du 11 février 2000) n’a aucune incidence sur le présent litige ; qu’en effet, la Cour de cassation s’est limitée à dire que la cour d’appel n’était pas saisie de l’examen du bien-fondé de la décision du premier juge de faire droit à la demande de mainlevée de l’opposition à mariage formée par (le demandeur) ” et que, d’autre part, ” l’arrêt de la cour (d’appel) ayant été cassé,
aucun juge ne s’est actuellement prononcé sur une question qui ne lui a, par ailleurs, jamais été soumise, savoir celle du mariage putatif ; que seule la cour (d’appel) de céans, dans sa composition actuelle, est saisie de la demande relative au mariage putatif dont (la défenderesse) sollicite le bénéfice ; que l’article 201 du Code civil dispose que ‘le mariage qui a été déclaré nul produit néanmoins ses effets à l’égard des époux lorsqu’ils ont contracté de bonne foi. Si la bonne foi n’existe que de la part de l’un des deux époux, le mariage ne produit ses effets qu’en faveur de cet époux’ ; que la bonne foi de l’époux qui demande le bénéfice du mariage putatif est la seule condition requise pour qu’il soit fait droit à la demande ; qu’en vain, (le demandeur) soutient que (la défenderesse) ne démontre pas à suffisance qu’elle a pu légitimement croire qu’elle contractait valablement mariage avec lui (…) ; que (le demandeur) a voulu que (la défenderesse), ainsi que les invités à la cérémonie qu’il avait organisée, croient participer à un véritable mariage ; (…) que, par ailleurs, (le demandeur) lui-même pensait que (la défenderesse) avait cru au mariage tel qu’il a été célébré le 12 novembre 1988 (…) ; qu’enfin, le commandant P. a apparemment officialisé le mariage des parties en relatant l’échange des consentements dans le journal de bord et en signant ce dernier avec les parties et leurs témoins “.

Griefs

1.1. Première branche

Par ses conclusions principales d’appel, datées du 16 juillet 2001 et déposées au greffe de la cour d’appel le 20 juillet 2001, le demandeur avait, certes, invoqué l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la Cour du 11 février 2000, mais aussi l’autorité de la chose jugée propre au jugement du tribunal de première instance de Charleroi du 29 juin 1994 ” en ce qu’il avait statué sur le bien-fondé de l’opposition à mariage. Or, ledit jugement n’a pas prononcé ni même constaté la nullité du mariage entre (la défenderesse) et (le demandeur), ni même constaté que la ‘cérémonie’ litigieuse constituait une apparence de mariage qu’il fallait détruire “.
Il ajoutait, aux termes de ses conclusions additionnelles d’appel, qu’ “en aucun cas, (la défenderesse) n’a sollicité l’annulation du prétendu mariage auquel elle entend donner un caractère putatif ; cet élément est encore confirmé par le jugement du 29 juin 1994, qui est actuellement revêtu de l’autorité de la chose jugée ; ce jugement n’a ni déclaré, ni constaté la nullité d’un mariage entre (la défenderesse) et (le demandeur), ni même constaté une apparence de mariage devant être détruite ; l’attitude de (la défenderesse) ne remet par ailleurs nullement en cause ce constat ; cette dernière reconnaît au contraire explicitement en page 15 in fine de ses conclusions principales d’appel que le mariage est ‘inexistant'”.
Et il avait encore précisé par ses secondes conclusions additionnelles que ” l’article 189 du Code civil dispose que si les nouveaux époux (accusés de bigamie) opposent la nullité du premier mariage, la nullité ou la validité de ce mariage doit être jugée préalablement. Il s’agit d’une question préjudicielle. Il en résulte qu’une décision judiciaire s’impose en toute hypothèse pour constater la validité – lorsqu’elle est contestée – ou déclarer la nullité d’un mariage. L’application de l’article 201 du Code civil, qui figure dans la même section que l’article 189, implique donc nécessairement que le pouvoir judiciaire se soit prononcé sur la nullité du mariage. Il ne s’agit pas d’une condition d’application de cette disposition (seule la bonne foi étant requise) mais de la détermination de son champ d’application. En l’espèce, il faut le rappeler, aucune décision judiciaire n’a prononcé, ni même simplement constaté la nullité du mariage allégué par (la défenderesse) ” et, surtout, qu’ ” en outre, une telle constatation n’est plus possible à ce jour, car elle se heurterait à l’autorité de la chose jugée s’attachant au jugement du 29 juin 1994 (…), lequel a déclaré non fondée l’opposition de (la défenderesse) au mariage (du demandeur) avec Mlle L. sans prononcer ou constater la nullité du mariage allégué par (la défenderesse)”.
Par aucun de ses motifs, et spécialement par ceux qui repoussent l’autorité de la chose jugée que le demandeur attribuait à l’arrêt de la Cour du 11 février 2000, l’arrêt attaqué ne rencontre le moyen que le demandeur tirait de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de première instance de Charleroi du 29 juin 1994, qui avait accueilli la demande en mainlevée de l’opposition au mariage du demandeur et de la demoiselle Lambert formée par la défenderesse, et des conséquences, en droit, qui, selon le demandeur, se déduisaient de ce jugement quant à l’existence d’une quelconque célébration de mariage entre les parties.
Il s’ensuit que l’arrêt attaqué, qui ne répond pas aux conclusions du demandeur, n’est pas régulièrement motivé (violation de l’article 149 de la Constitution).

1.2. Seconde branche

L’article 147 du Code civil dispose qu’ on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier, l’article 172 dudit code prévoyant, pour sa part, que le droit de former opposition à la célébration du mariage appartient à la personne engagée par mariage avec l’une des deux parties contractantes.
L’article 194 précise que nul ne peut réclamer le titre d’époux et les effets civils du mariage, s’il ne représente pas un acte de célébration inscrit dans les registres de l’état civil.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que seule la personne qui peut se prétendre époux et qui, à ce titre, peut valablement présenter un titre de mariage reconnu par la loi est en droit de s’opposer au nouveau mariage de son conjoint, aussi longtemps que l’union dont l’opposant excipe n’a pas été dissoute.
L’opposition au mariage ne saurait être rejetée, par application des articles 147, 172 et 194 du Code civil, que si un jugement a préalablement décidé que le mariage invoqué par l’opposant est frappé de nullité.
A défaut, cette opposition doit être accueillie et le second mariage ne saurait être contracté, à peine de consacrer l’existence du crime de bigamie, la nullité du premier mariage constituant nécessairement une question préjudicielle aussi bien en ce qui concerne l’existence de ce crime que s’agissant de la question relative au fondement de l’opposition au mariage formée par la personne qui se prétend déjà unie par les liens du mariage avec l’un des futurs époux au mariage desquels il est formé opposition.
En ordonnant la mainlevée de l’opposition au mariage entre le demandeur et la demoiselle L. formée par la défenderesse, qui soutenait qu’elle était toujours liée par les liens d’un mariage antérieur non dissous, le jugement du tribunal de première instance de Charleroi du 29 juin 1994 a nécessairement décidé qu’il n’existait, entre le demandeur et la défenderesse, aucun mariage antérieur non dissous ou dont il aurait convenu de prononcer la nullité, laquelle, même s’agissant d’une simple apparence de mariage, aurait dû être constatée et déclarée, avant que ne soit ordonnée la mainlevée de l’opposition au mariage signifiée par la défenderesse et que, par voie de conséquence, le demandeur fût autorisé à contracter mariage.
Car, les dispositions des articles 147, 172, 194 et 201 du Code civil étant d’ordre public, le tribunal de Charleroi, saisi de la demande de mainlevée à l’opposition au mariage du demandeur formée par la défenderesse était tenu d’examiner, même d’office, toutes les causes qui auraient pu fonder l’opposition de la défenderesse.
De la sorte, le jugement du tribunal de première instance de Charleroi du 29 juin 1994 a nécessairement décidé, fût-ce implicitement, qu’il n’existait aucun mariage entre le demandeur et la défenderesse, l’annulation de la célébration du 12 novembre 1988 et de l’apparence que celle-ci avait pu créer n’ayant pas été prononcée, alors que la mainlevée de l’opposition au mariage du demandeur formée par la défenderesse, ordonnée par le jugement, impliquait nécessairement qu’aucun mariage ni aucune apparence de mariage n’existait entre les parties.
Il s’ensuit qu’en décidant ” qu’aucune juridiction ne s’est actuellement prononcée sur la validité ou la nullité du mariage contracté par les parties le 12 novembre 1988 “, qu’il s’impose de déclarer nulle l’apparence de célébration de mariage créée par la cérémonie du 12 novembre 1988 et que la défenderesse peut, en conséquence, invoquer le bénéfice du mariage putatif, l’arrêt attaqué méconnaît l’autorité de la chose jugée – implicite – attachée au jugement du tribunal de première instance de Charleroi du 29 juin 1994 (violation de toutes les dispositions visées au moyen, spécialement des articles 23, 25, 26 et 27 du Code judiciaire, mais à l’exclusion de l’article 149 de la Constitution).

2. Second moyen

Dispositions légales violées
– article 201 du Code civil belge ;
– article 201 du Code civil français ;
– article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt attaqué, qui réforme partiellement le jugement entrepris, après avoir déclaré recevables les appels principal, incident et la demande nouvelle formée par la défenderesse, dit nul l’acte dressé le 12 novembre 1988 à Villefranche (France) sur le bateau Gallus 80, constatant le mariage des parties, accorde à la défenderesse le bénéfice du mariage putatif, ordonne la liquidation de la communauté ayant existé entre les parties, commet trois notaires pour procéder aux opérations de liquidation et de partage de cette communauté, condamne le demandeur à verser à la défenderesse une somme provisionnelle de 75.000 euros à titre de dommages-intérêts et réserve à statuer pour le surplus aux motifs que ” (le demandeur) ne conteste pas que le livre de bord du Gallus 80 relate, à la rubrique comportant notamment les termes ‘actes d’état civil’, que, ‘le 12 novembre 1988, ont comparu devant nous, J. P., capitaine de la marine marchande, chevalier du Mérite maritime, commandant du Gallus 80, Monsieur M. v. d. S.-P., d’une part, Madame M. M., d’autre part, que nous déclarons unis par les liens du mariage. Fait en mer, ce 12 novembre 1988’, texte signé par les parties, leurs témoins et le capitaine ” ; que ” ce document crée une apparence de mariage ; qu’il doit être déclaré nul ainsi que l’apparence du mariage dont il fait état ” et que ” le commandant P. a apparemment officialisé le mariage des parties en relatant l’échange des consentements dans le journal de bord et en signant ce dernier avec les parties et leurs témoins “.

Griefs

2.1. Première branche

Par ses conclusions principales d’appel, datées du 16 juillet 2001 et déposées au greffe de la cour d’appel le 20 juillet 2001, le demandeur avait soutenu que :
” L’annulation d’une apparence de mariage est (…) un préalable à l’admission d’un mariage putatif (…) ; aucun effet ne peut être reconnu à une ‘célébration’ faite par une personne ne pouvant, en aucun cas, avoir compétence dans son ordre juridique pour célébrer un mariage. En effet, en l’absence de compétence du ‘célébrant’, dans un quelconque ordre juridique, pour célébrer un mariage, la cérémonie n’a pas revêtu un formalisme minimum pour pouvoir considérer qu’il y a apparence de mariage à annuler (…). La théorie du mariage putatif se conçoit uniquement dans le cadre d’une nullité (…) du mariage. S’il n’y a même pas apparence de mariage, par la présentation d’un acte de célébration, il y a simplement vie en concubinage, et des concubins ne pourraient revendiquer le bénéfice du mariage putatif (…). Le mariage de Belges à l’étranger doit : – avoir été célébré dans les formes usitées dans le pays où l’union a été contractée ; – avoir fait l’objet de publications de mariage en Belgique, dans les chancelleries ou à l’étranger ; – avoir été transcrit dans les registres de l’état civil belge lors du retour du citoyen belge sur le territoire du royaume.
Aucune de ces conditions n’était évidemment réunie en l’espèce, et surtout pas la première : (la défenderesse) ne produisait aucun acte de célébration, la photographie d’une page du livre de bord d’un bateau de plaisance commerciale ne pouvant recevoir cette qualification ; elle ne pouvait affirmer de surcroît que ce mariage aurait été célébré dans les formes requises par la loi française, l’auteur de la ‘célébration’ ne pouvant en aucun cas avoir cette compétence (il s’agit d’un capitaine de la marine marchande en retraite, louant ses services à la journée pour piloter un bateau de plaisance). En droit belge et en droit français, les commandants de bord ont une qualité d’officier de l’état civil limitée aux actes de naissance et de décès, lorsque ces événements ont lieu en mer (article 59 et 86 du Code civil) ; la mairie de Nice lui a d’ailleurs confirmé (…) qu”au vu des renseignements figurant (…), ce mariage célébré à bord du Gallus 80 au large de Nice n’a, selon la législation française, aucune valeur juridique, s’il n’a pas été célébré par l’officier de l’état civil compétent (…). Il n’y a pas de célébration lorsque les consentements sont échangés devant ‘n’importe quelle autorité, par exemple un notaire’ et, pour être considérée comme telle, la célébration doit avoir lieu ‘à tout le moins devant l’autorité désignée par un ordre juridique incompétent’ (c’est-à-dire une autorité qui, dans les circonstances déterminées par cet ordre juridique, peut valablement célébrer des mariages) ; (…) il n’y a également pas (apparence de) mariage dans les hypothèses suivantes (…). En l’espèce, même si l’on considérait que des consentements avaient effectivement été échangEAC
UTE;s le 12 novembre 1988 (ce qui suppose acquis le fait que les parties n’aient pas été informées qu’un véritable mariage ne pouvait être célébré, quod non), ils l’auraient été devant une personne qui ne détenait pas la moindre compétence en matière d’état civil et qui ne pouvait en aucun cas être considérée comme une autorité désignée par un ordre juridique étranger pour célébrer un mariage. En toute hypothèse, un élément essentiel du contrat solennel du mariage faisait dès lors défaut. Il s’agissait dès lors d’un simulacre non susceptible d’atteindre ‘le seuil de ce formalisme en deçà duquel la notion juridique de mariage s’évanouit’, notion juridique qui conditionne cependant l’application de l’article 201 du Code civil “.
Et le demandeur faisait encore valoir, par ses conclusions additionnelles d’appel déposées le 30 janvier 2002, que :
” Le Gallus 80 n’était en aucun cas un lieu public ; en effet, les parties avaient loué ce bateau pour une journée, son propriétaire, qui n’était point une autorité publique, ayant entrepris de permettre son utilisation à des particuliers moyennant le versement d’une somme d’argent définie; seuls furent admis à son bord les invités à la fête privée qui devait s’y dérouler. Ce bateau n’était donc pas accessible à toute personne le jour des faits, les parties en ayant obtenu la pleine jouissance moyennant paiement.
Il ne peut donc s’agir d’un lieu public ” ; ” force est de constater ensuite que la cérémonie s’étant déroulée sur ce bateau ne peut plus être qualifiée d’officielle ; en effet, (le demandeur) avait également, moyennant paiement, loué les services de M. P., capitaine de la marine marchande à la retraite, afin de barrer le bateau. (La défenderesse) ne conteste nullement le fait que M. P. n’était pas investi des pouvoirs reconnus à un officier de l’état civil, en sorte qu’il lui a été impossible de conférer à cette cérémonie un caractère officiel, et ce d’autant plus qu’aucun document officiel n’a été remis aux parties (…). Le faste de la cérémonie ne peut pas lui conférer ce caractère officiel ; en effet, il ne peut être raisonnablement soutenu que toute cérémonie luxueuse est nécessairement officielle, cet élément ne pouvant suffire pour conférer cette caractéristique (…). La cérémonie litigieuse ne peut donc être qualifiée de célébration publique et officielle (…). Il ne peut, de ce fait, être question de mariage putatif “.
Par aucun des motifs reproduits au moyen, l’arrêt attaqué ne répond à cette défense circonstanciée par laquelle le demandeur soutenait, d’une part, qu’il ne suffisait pas, pour qu’il y ait lieu à annulation et, partant, mariage putatif, que l’on puisse faire état d’une quelconque apparence de célébration, mais qu’il était requis que cette célébration soit ordonnancée par une personne ayant compétence dans l’ordre juridique adéquat et que, d’autre part, il n’y avait pas eu de célébration de mariage dans un lieu public.
En tout cas, en se bornant, en réponse à la défense proposée par le demandeur, à affirmer, de manière laconique, que le document contenu dans le livre de bord du Gallus 80, signé par les parties, leurs témoins et le capitaine, ” crée une apparence de célébration de mariage “, l’arrêt attaqué ne permet pas à la Cour d’exercer son contrôle de légalité (violation de l’article 149 de la Constitution).

2.2. Seconde branche

Tant au sens de l’article 201 du Code civil belge que suivant l’article 201 du Code civil français, il ne peut y avoir ” mariage nul “, susceptible de produire ses effets à l’égard des époux de bonne foi s’il n’y a pas eu célébration s’inscrivant dans le cadre d’un rituel préétabli, c’est-à-dire dans un ensemble de rites, de comportements, de paroles, de formalités solennelles, fixes, reproduits sans altération dans toutes les occasions de même nature, inscrits dans la vie sociale, religieuse ou culturelle d’une collectivité.
Il est donc requis que l’officiant ait respecté les formes prévues et imposées par un corps de règles générales, abstraites et préexistantes, susceptibles d’avoir effet dans un ordre juridique étranger ou correspondant aux prescriptions d’une religion reconnue ou, à tout le moins, d’une religion pratiquée par l’un des époux, ce qui implique nécessairement que l’officiant, soit ait effectivement qualité, au sein d’une collectivité déterminée, religieuse ou civile, ou dans un ordre juridique donné, pour célébrer une cérémonie nuptiale, soit encore ait usurpé, de mauvaise foi ou par erreur, un titre ou la fonction d’une autorité civile ou religieuse habilitée à célébrer pareille cérémonie nuptiale.
Il s’ensuit que l’arrêt attaqué, qui relève que le commandant de bord du Gallus 80 ayant célébré la cérémonie du 12 novembre 1988 ne revêtait pas la qualité d’officier de l’état civil et qui ne constate pas, au surplus, qu’il aurait possédé, dans un ordre juridique quelconque, ou dans des circonstances quelconques, compétence ou qualité pour célébrer un mariage susceptible d’avoir quelque effet civil ou religieux, mais qui décide que les mentions portées dans le livre de bord du bateau de plaisance par son commandant créent ” une apparence de célébration de mariage “, ne justifie pas légalement sa décision que les conditions de reconnaissance d’un mariage putatif étaient remplies (violation des articles 201 du Code civil belge et 201 du Code civil français).

V. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Attendu qu’en énonçant ” qu’aucune juridiction ne s’est actuellement prononcée sur la validité ou la nullité du mariage contracté par les parties le 12 novembre 1988 “, l’arrêt attaqué répond aux conclusions du demandeur soutenant que l’autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 29 juin 1994 par le tribunal de première instance de Charleroi faisait obstacle à ce que la cour d’appel statuât sur cette question ;
Que le moyen, en cette branche, manque en fait ;

Quant à la seconde banche :

Sur la fin de non-recevoir opposée par la défenderesse au moyen en tant qu’il est, en cette branche, pris de la violation d’autres dispositions légales que celles qui concernent l’autorité de la chose jugée :
Attendu que le moyen, en cette branche, ne précise pas en quoi l’arrêt attaqué violerait ces dispositions légales ;
Que la fin de non-recevoir est fondée ;

Sur le surplus du moyen, en cette branche :

Attendu que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’à ce que le juge a décidé sur un point litigieux et à ce qui, en raison de la contestation portée devant lui et soumise à la contradiction des parties, constitue, fût-ce implicitement, le fondement nécessaire de sa décision ;
Attendu que l’arrêt attaqué rappelle que la défenderesse, ayant formé opposition au mariage projeté du demandeur, a, devant le tribunal de première instance de Charleroi saisi de la demande en mainlevée des futurs époux, ” justifi(é) (du) fondement de son opposition (…) par le fait qu’elle était en droit de bénéficier de la théorie du mariage putatif ” ;
Qu’après avoir constaté ” que la défenderesse, qui ne conteste pas l’absence de validité du mariage, soutient avoir cru de bonne foi, à l’époque, qu’aucun vice ne l’affectait et entend se prévaloir des dispositions relatives au mariage putatif “, le jugement du tribunal de première instance de Charleroi du 29 juin 1994 statuant sur cette demande en mainlevée décide ” que, même si le tribunal estimait qu’il y a mariage putatif, celui-ci ne produirait ses effets qu’à l’égard de la défenderesse et ne serait pas un empêchement au mariage (du demandeur) ; qu’au surplus, l’article 194 du Code civil dispose que ‘nul ne peut réclamer le titre d’époux et les effets civils du mariage, s’il ne représente un acte de célébration inscrit dans le registre de l’état civil ” et ” que la défenderesse ne produit pas un tel acte ” ;
Attendu qu’il suit de ces énonciations que, pour ordonner la mainlevée de l’opposition de la défenderesse au mariage du demandeur avec une tierce personne, le tribunal de première instance de Charleroi n’a pas eu à se prononcer et ne s’est pas prononcé sur la validité ou la nullité du mariage prétendument contracté par les parties le 12 novembre 1988, de sorte qu’en décidant ” qu’il s’impose de déclarer nulle l’apparence de célébration de mariage créée par la cérémonie ” qui a eu lieu à cette date, l’arrêt attaqué ne méconnaît pas l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la décision de ce tribunal ;
Que, dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

Attendu que, relatant les déclarations faites par les parties tant devant le premier juge que devant le juge ayant connu de la demande en mainlevée de l’opposition de la défenderesse au mariage du demandeur, l’arrêt attaqué observe ” que (le demandeur) a voulu que (la défenderesse) ainsi que les invités à la cérémonie qu’il avait organisée (à bord du Gallus 80) croient participer à un véritable mariage ” ;
Que l’arrêt attaqué constate en outre ” que (le demandeur) ne conteste pas que le livre de bord du Gallus 80 relate, à la rubrique comportant notamment les termes ‘actes d’état civil’, que, ‘le 12 novembre 1988, ont comparu devant nous, J. P., capitaine de la marine marchande, chevalier du Mérite maritime, commandant du Gallus 80, Monsieur M. v. d. S.-P., d’une part, Madame M. M., d’autre part, que nous déclarons unis par les liens du mariage. Fait en mer, ce 12 novembre 1988’, texte signé par les parties, leurs témoins et le capitaine ” ;
Qu’il considère ensuite ” que ce document crée une apparence de célébration de mariage ” et ” qu’il doit être déclaré nul, ainsi que l’apparence de mariage dont il fait état ” ;
Qu’il se déduit de ces énonciations qu’aux yeux des juges d’appel, la cérémonie dont ils ont, par des constatations et une appréciation gisant en fait, relevé les caractères, suffisait à constituer une célébration sujette à annulation ;
Que l’arrêt répond ainsi, en les contredisant, aux conclusions du demandeur reproduites au moyen, en cette branche, et motive régulièrement sa décision ;
Que le moyen, en cette branche, manque en fait ;

Quant à la seconde branche :

Attendu que la bonne foi est la seule condition mise par la loi à la reconnaissance du mariage putatif ;
Que la bonne foi, dont l’appréciation relève du pouvoir du juge du fond, est la croyance des époux, ou de l’un d’eux, qu’ils contractent un mariage valable ;
Que, si l’existence d’une célébration et les caractères que celle-ci revêt sont de nature à influencer cette appréciation, ces éléments ne constituent pas une condition distincte de la reconnaissance du mariage putatif ;
Que le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent dix euros vingt centimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent nonante-sept euros sept centimes envers la partie défenderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Christian Storck, Didier Batselé, Daniel Plas et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du douze décembre deux mille trois par le président de section Claude Parmentier, en présence de l’avocat général André Henkes, avec l’assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

(Omissis)