Osservatorio delle libertà ed istituzioni religiose

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Osservatorio delle Libertà ed Istituzioni Religiose

Documenti • 28 Ottobre 2004

Sentenza 09 ottobre 2002, n.33179/96

La Cour européenne des Droits de l’Homme
DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE SEHER KARATAŞ c. TURQUIE
(Requête n° 33179/96)
ARRÊT
STRASBOURG
9 juillet 2002
DÉFINITIF
09/10/2002

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Seher Karataş c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. COSTA, président,
A.B. BAKA,
GAUKUR JÖRUNDSSON,
R. TÜRMEN,
K. JUNGWIERT,
V. BUTKEVYCH,
Mme W. THOMASSEN, juges,
et de M. T.L. EARLY, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 juin 2002,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (n° 33179/96) dirigée contre la République de Turquie et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Seher Karataş (« la requérante »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 9 mai 1996 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante est représentée devant la Cour par Me K. T. Sürek, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent dans la procédure devant la Cour.
3. La requête a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences des articles 6 § 1 et 10 de la Convention.
4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole n° 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole n° 11).
5. La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.
6. Par une décision du 13 mars 2001, la Cour a déclaré la requête partiellement recevable.
7. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
8. Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement). La chambre a décidé après consultation des parties qu’il n’y avait pas lieu de tenir une audience consacrée au fond de l’affaire (article 59 § 2 in fine du règlement).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
9. Citoyenne turque née en 1971, Mme Karataş réside à Istanbul. Elle était l’éditrice et la rédactrice en chef du bimensuel Gençliğin Sesi (la Voix de la Jeunesse) publié à Istanbul.
A. L’article publié dans le bimensuel Gençliğin Sesi
10. Dans le numéro quatorze du 14 juillet 1994 fut publié un article intitulé « On doit s’orienter vers le système lui-même » (« Düzenin kendisine yönelmeliyiz »), signé par D.B. Cet article peut se traduire comme suit :
« Dans les premiers jours du mois de juillet de l’année écoulée, nous étions témoins du massacre de Sivas1 et de la colère antifasciste répandue dans tout le pays manifestée contre ce massacre. De nos jours, pour les travailleurs, la signification des appels lancés suite à ce massacre pour établir une union autour du kémalisme et du drapeau de la laïcité contre l’intégrisme religieux et s’unir autour de cette plate-forme s’est révélée plus clairement. Par le biais de la campagne dirigée contre le Refah [Parti de la prospérité], ils voulaient limiter notre horizon et notre cible à la libération de Beyoğlu et à la liberté de prendre un pot à Nevizade Sokağı [Rue Nevizade2], alors que pendant la même période des milliers d’entre nous ont été poussés à la faim et au chômage. Des champions du kémalisme et de la prétendue laïcité avec une incroyable malignité voulaient nous voir défendre le système contre le fondamentalisme. Un système dans lequel désormais les paysans kurdes se sentent en sécurité dans le sud du Kurdistan, dans lequel chaque jour une personne est portée disparue lors de sa garde à vue, le droit des jeunes à l’instruction est usurpé et les droits acquis par des milliers d’entre nous sont menacés au nom de dévouement etc. Et ils veulent que la jeunesse assume cette tâche. En fait, ils nous demandent de défendre ce système qui se dirige vers une instabilité et une crise. Il faut leur demander : ce système, qu’a-t-il donné aux jeunes ? Que peut-il leur offrir dorénavant ? Pourquoi devons-nous défendre ce système ? Notre lutte contre des intégristes peut-elle consister à faire un choix parmi des intégristes, à les soutenir ?
La lutte contre l’intégrisme peut trouver ses fondements solides lorsque l’on prend une position à côté de la classe ouvrière capable de mettre fin à tout genre de relation « opprimé – oppresseur » et lorsque l’on fait partie de son action. Dans des conditions
_____________________
1. Ville en Turquie. Le 2 juillet 1993, un incendie criminel se produisit lors des festivités de Pir Sultan Abdal, chef spirituel des Alevis au XVIe siècle, et provoqua le décès de trente-trois personnes, dont des intellectuels et des musiciens ayant participé aux festivités.
2. Rue Nevizade : une rue située à Beyoğlu (Istanbul) réputée pour ses restaurants.
telles que des milliers de jeunes ouvriers qui travaillent dans des cités industrielles « pour l’éternité de l’Etat et de la nation » sont forcés de faire un choix entre chômage et esclavage et que le droit des jeunes à l’instruction avait été usurpé, la réponse de la jeunesse à cela ne peut être identique à celle que des milliers de travailleurs ont donnée à ce massacre organisé par l’Etat en collaboration avec l’intégrisme religieux. L’année dernière, des milliers de travailleurs ayant participé à des manifestations organisées pour protester contre le massacre de Sivas et jeté des pierres contre le bâtiment du parlement ont déterminé leur propre place à l’extérieur de ce faux dilemme « laïc – antilaïc » créé avant et après le massacre de 2 juillet.
Voici la réponse de la jeunesse contre toute sorte d’intégrisme, désormais.
Il faut donner la même réponse à ceux qui se préparent à faire payer aux travailleurs l’addition de la crise dans le pays et à organiser toute sorte d’agression pour ce faire un an après le massacre de Sivas. Cette fois, en se mobilisant tous ensemble, c’est-à-dire par le biais d’une grève et d’une résistance générales, nous devons repousser les agressions de la bourgeoisie. A l’heure actuelle, où une grève générale est à l’ordre du jour, la jeunesse, avec des ouvriers, des chômeurs, des paysans et des étudiants, doit être prête, avec toute sa force et son énergie, face à des tentatives de neutralisation de la grève générale et pour en tirer plus d’avantage. Notamment la jeunesse communiste, consciente de la responsabilité qui lui incombe pendant cette période et des revendications de masse de la jeunesse, doit être prête à organiser une lutte avec la classe laborieuse.
Comme la grève et la résistance générales ne peuvent pas être limitées à une action des ouvriers syndicalisés, elles vont influencer la jeunesse comme les masses laborieuses. La grève et la résistance générales seront soutenues tant par la classe ouvrière que par la colère et la volonté de lutte de celle-ci.
Il ne faut jamais concevoir que la jeunesse ouvrière n’adhérant pas aux syndicats sera exclue de la grève générale. Lorsqu’il n’y a aucune alternative outre la lutte contre le chômage et la misère que la jeunesse endure, il ne faut pas attendre pour adhérer à un syndicat ou fonder des comités. Nous pouvons créer toutes ces organisations au mieux au cours de la lutte. »
B. La procédure diligentée contre la requérante
11. Le 16 juillet 1994, à la demande du procureur de la République, le juge assesseur près la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul (ci-après « la cour de sûreté de l’Etat ») rendit une ordonnance de référé sur la saisie du quatorzième numéro du bimensuel Gençliğin Sesi (juillet 1994).
12. Par un acte d’accusation du 28 juillet 1994, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat mit la requérante, en sa qualité de rédactrice en chef du bimensuel en question, en accusation du chef d’incitation du peuple à la haine et à l’hostilité. Les charges se fondaient sur l’article 312 §§ 1 et 2 du code pénal
13. Le 13 juillet 1995, la cour de sûreté de l’Etat, composée de trois juges, dont l’un issu de la magistrature militaire, jugea la requérante coupable des faits reprochés et la condamna à un an et huit mois d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de 433 333 livres turques (TRL), et convertit la peine d’emprisonnement en une amende de 3 458 333 TRL. Elle considéra que :
« l’article intitulé « On doit s’orienter vers le système lui-même », paru en page 3 de la publication litigieuse, énonçait qu’on avait été témoins de la colère antifasciste suite au massacre de Sıvas (…), et que les champions du kémalisme et de la prétendue laïcité avec une incroyable malignité voulaient nous voir défendre le système contre l’intégrisme (…). [Un système] dans lequel chaque jour une personne est portée disparue lors de sa garde à vue (…), dans lequel désormais les paysans kurdes se sentent en sécurité dans le sud du Kurdistan, (…) les ouvriers des grandes usines sont forcés de faire un choix entre chômage et esclavage, (…) dans lequel le droit des jeunes à l’instruction est usurpé. »
Elle conclut que, pris dans son ensemble, l’article suscité avait pour but de susciter dans la société la haine et l’hostilité fondée sur une classe sociale et une région.
14. Dans son mémoire introductif de cassation du 7 août 1995, la requérante se prévalut de la protection de l’article 10 de la Convention.
15. Le 25 septembre 1995, la Cour de cassation confirma l’arrêt de première instance sans qu’il y ait eu un prononcé. Le texte complet de l’arrêt ne fut pas signifié à la requérante.
16. Le 4 octobre 1995, cet arrêt fut versé au dossier de la cour de sûreté de l’État, puis, le 12 mars 1996, le procureur de la République près cette cour notifia à la requérante l’ordre de paiement de l’amende encourue. Etant donné le non-paiement de l’amende, il renouvela la notification en date du 7 mai 1996 ; enfin, le 2 juillet 1996, il notifia le mandat d’arrêt.
17. Entre-temps, le 3 mai 1996, la requérante obtint copie de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 septembre 1995.
18. Le 30 octobre 1996, la requérante paya l’amende encourue.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
19. L’article 33 §§ 1 et 2 du code de procédure pénale dispose que :
« Les décisions rendues en la présence des intéressés leur sont prononcées et ces derniers, s’ils en font la demande, peuvent obtenir une copie de la décision.
Les autres décisions sont signifiées. (…) »
20. En pratique, les arrêts de cassation rendus dans les affaires pénales ne sont pas signifiés aux parties. Une fois mis en page et signés, ils sont versés dans leur dossier au sein de la première instance intervenue dans l’affaire et sont ainsi mis à la disposition des parties. Plus tard, si besoin est, le procureur de la République chargé de l’exécution des peines procède, selon les particularités de l’affaire, à l’un des actes d’exécution, à savoir l’invitation à purger la peine privative de liberté, l’ordre de paiement ou la notification de l’arrêt au condamné incarcéré. Dans l’hypothèse où une personne ne donne pas suite à l’invitation à purger une peine privative de liberté, le parquet délivre un mandat d’arrêt contre elle.
21. Conformément à la procédure pénale, le délai d’un mois pour déposer une demande auprès du procureur de la République visant à obtenir la rectification de l’arrêt de cassation commence à courir à compter de la date de la notification de l’invitation à purger la peine ou de l’ordre de paiement à la partie concernée, suivant le retour du dossier au greffe de la juridiction locale (article 322 § 6 du code de procédure pénale).
22. L’article 312 du code pénal, tel que rédigé au moment des faits, disposait que :
« Incitation non publique aux crimes et délits
Est passible de six mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende lourde de six mille à trente mille livres turques quiconque, expressément, loue ou fait l’apologie d’un acte qualifié de crime par la loi, ou incite la population à désobéir à la loi.
Est passible d’une peine d’emprisonnement d’un à trois ans ainsi que d’une amende de neuf mille à trente-six mille livres quiconque, sur la base d’une distinction fondée sur l’appartenance à une classe sociale, à une race, à une religion, à une secte ou à une région, incite le peuple à la haine et à l’hostilité. Si pareille incitation compromet la sécurité publique, la peine est majorée d’une portion pouvant aller d’un tiers à la moitié de la peine de base.
Les peines qui s’attachent aux infractions définies au paragraphe précédent sont doublées lorsque celles-ci ont été commises par les moyens énumérés au paragraphe 2 de l’article 311. »
23. La législation pertinente concernant les cours de sûreté de l’Etat telle qu’elle s’appliquait à l’époque des faits sont exposée dans l’arrêt Incal c. Turquie (Recueil des arrêts et décisions 1998-IV, pp. 1557-1562, §§ 26 33). Cette législation a été modifiée par un amendement constitutionnel adopté le 18 juin 1999.
EN DROIT
I. SUR L’EXCEPTION DU GOUVERNEMENT
24. Dans ses observations supplémentaires du 29 mai 2001, le Gouvernement plaide l’irrecevabilité de la requête, comme il l’a déjà fait dans ses observations écrites du 3 juin 1999, pour non-respect du délai de six mois. D’après lui, la décision interne définitive a été rendue le 25 septembre 1995 (et fut versée au greffe du tribunal de première instance le 4 octobre 1995), alors que la requête a été introduite le 9 mai 1996, soit plus de six mois après la décision interne définitive. Il soutient que si la requérante n’a pris connaissance de l’arrêt de la Cour de cassation, comme elle le prétend, que le 3 mai 1996, soit sept mois après la date de la décision interne définitive, cela serait dû à sa propre négligence car il lui incombait, ou à son défenseur qui maîtrise la pratique du droit pénal selon laquelle les arrêts de cassation rendus dans les affaires pénales ne sont pas signifiés aux parties, de s’informer, auprès du greffe de la Cour de cassation, du résultat du pourvoi.
25. La requérante s’oppose à la thèse du Gouvernement et soutient que l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 25 septembre 1995 ne lui a jamais été signifié. Elle explique que, vu l’absence d’une signification, elle a obtenu une copie dudit arrêt le 3 mai 1996. De toute façon, d’après elle, sa requête a été introduite dans un délai de six mois à partir du 12 mars 1996, date à laquelle le parquet près la cour de sûreté de l’Etat l’ayant condamnée a fait sa première notification pour l’exécution de la peine.
26. La Cour rappelle que, dans sa décision sur la recevabilité du 13 mars 2001, elle a considéré qu’au vu de l’absence d’une signification de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 septembre 1995, la requérante, qui a introduit sa requête dans le délai de six mois suivant la date de la notification de l’amende encourue, a satisfait aux conditions requises par l’article 35 § 1 de la Convention.
27. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, lorsque le requérant est en droit de se voir signifier d’office une copie de la décision interne définitive, il est plus conforme à l’objet et au but de l’article 35 § 1 de la Convention de considérer que le délai de six mois commence à courir à compter de la date de la signification de la copie de la décision (voir l’arrêt Worm c. Autriche du 29 août 1997, Recueil 1997-V, p. 1547, § 33). Or, lorsque la signification n’est pas prévue en droit interne, la Cour estime qu’il convient de prendre en considération la date de la mise à disposition de la décision, date à partir de laquelle les parties peuvent réellement prendre connaissance de son contenu (voir, mutatis mutandis, Papachelas c. Grèce [GC], n° 31423/96, §§ 30-31, CEDH 1999-II).
28. La Cour observe qu’en droit turc, bien que l’article 33 du code de procédure pénale prévoit la signification des décisions judiciaires n’ayant pas été rendues en présence des intéressés en pratique, les arrêts de cassation rendus dans les affaires pénales ne sont pas signifiés aux parties (paragraphes 19-20 ci-dessus).
La Cour relève qu’en l’espèce l’arrêt du 25 septembre 1995 rendu par la Cour de cassation qui constitue la décision interne définitive, n’a pas été prononcé et n’a pas davantage été signifié à la requérante ou à son défenseur. Suite au dépôt de l’arrêt en question au greffe de la juridiction de première instance le 4 octobre 1995, le parquet d’Istanbul a notifié à la requérante l’ordre de paiement de l’amende encourue en date du 12 mars 1996. La Cour considère, dans le cas d’espèce, qu’il est plus conforme à l’objet et au but de l’article 35 de conclure que le délai de six mois commence à courir à compter de la date à laquelle la requérante a obtenu une notification de la part du parquet en vue de l’exécution de la peine encourue, étant donné le fait qu’aucun acte de notification n’a eu lieu entre la date de son pourvoi en cassation et celle de la notification de l’ordre de paiement en question. En outre, aucun manque de diligence ne peut être reproché à la requérante au vu de la durée globale des périodes considérées.
29. Partant, la Cour confirme sa position antérieure et rejette l’exception du non-respect du délai de six mois avancée par le Gouvernement
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION
30. La requérante soutient que sa condamnation, en application de l’article 312 du code pénal, a enfreint l’article 10 de la Convention, aux termes duquel :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière (…).
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
31. Pour la Cour, il apparaît clairement que la condamnation de la requérante en vertu de l’article 312 du code pénal s’analyse en une ingérence dans son droit à la liberté d’expression, ce que le Gouvernement n’a pas contesté.
32. Pareille ingérence est contraire à l’article 10 sauf si elle est « prévue par la loi », vise un ou plusieurs des buts légitimes cités au paragraphe 2 de l’article 10 et est « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre ce ou ces buts. La Cour va examiner ces conditions une à une.
A. « Prévue par la loi »
33. Nul ne conteste en l’occurrence que la condamnation en cause avait une base légale, à savoir l’article 312 du code pénal, et était « prévue par la loi » au sens de l’article 10 § 2 de la Convention. La Cour n’aperçoit aucune raison de conclure autrement.
B. But légitime
34. La requérante n’a pas nié que l’ingérence poursuivait un but légitime au titre du second paragraphe de l’article 10 de la Convention.
35. Le Gouvernement soutient que la condamnation de la requérante pour avoir publié un article poursuivait les buts légitimes, à savoir la protection de l’ordre public, de la sécurité nationale et de l’intégrité territoriale de l’Etat.
36. Eu égard au caractère sensible de la lutte contre le terrorisme ainsi qu’à la nécessité pour les autorités d’exercer leur vigilance face à des actes susceptibles d’accroître la violence, la Cour estime pouvoir admettre que la condamnation de la requérante poursuivait deux buts compatibles avec l’article 10 § 2 : la défense de l’ordre et la prévention du crime.
C. « Nécessaire dans une société démocratique »
1. Principes généraux
37. La Cour rappelle les principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence en la matière (voir, entres autres, les arrêts Castells c. Espagne du 23 avril 1992, série A n° 236, p. 23, § 46 ; Zana c. Turquie du 25 novembre 1997, Recueil 1997-VII, pp. 2547-2548, § 51 ; Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, § 45, CEDH 1999-I ; Ceylan c. Turquie [GC], n° 23556/94, § 32, CEDH 1999-IV ; Öztürk c. Turquie [GC], n° 22479/93, § 64, CEDH 1999-VI ; et, en dernier lieu, İbrahim Aksoy c. Turquie, nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, §§ 51-53, 10 octobre 2000).
i. La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ». Telle que la consacre l’article 10, elle est assortie d’exceptions qui appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante.
ii. L’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 10 § 2, implique un « besoin social impérieux ». Les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de l’existence d’un tel besoin, mais elle se double d’un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent, même quand elles émanent d’une juridiction indépendante. La Cour a donc compétence pour statuer en dernier lieu sur le point de savoir si une « restriction » ou une « sanction » se concilie avec la liberté d’expression que protège l’article 10.
iii. Dans l’exercice de son pouvoir de contrôle, la Cour doit considérer l’ingérence à la lumière de l’ensemble de l’affaire, y compris la teneur de l’article litigieux et le contexte dans lequel il s’inscrit. En particulier, il incombe à la Cour de déterminer si la mesure incriminée était « proportionnée aux buts légitimes poursuivis » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 10 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents. Par ailleurs, la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence.
iv. Par ailleurs, la requérante ayant été condamnée en raison d’un article publié dans un bimensuel dont elle était éditrice et rédactrice en chef, il faut aussi examiner l’ingérence en cause en ayant égard au rôle essentiel que joue la presse dans le bon fonctionnement d’une démocratie politique (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Lingens c. Autriche du 8 juillet 1986, série A n° 103, p. 26, § 41, et Fressoz et Roire précité, § 45). Si la presse ne doit pas franchir les bornes fixées en vue, notamment, de la protection des intérêts vitaux de l’Etat, telles la sécurité nationale ou l’intégrité territoriale, contre la menace de violence, ou en vue de la défense de l’ordre ou de la prévention du crime, il lui incombe néanmoins de communiquer des informations et des idées sur des questions politiques, y compris sur celles qui divisent l’opinion. A sa fonction qui consiste à en diffuser s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. La liberté de la presse fournit à l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants (arrêt Lingens précité, p. 26, §§ 41-42.
v. La Cour rappelle enfin que l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de questions d’intérêt général (voir l’arrêt Wingrove c. Royaume-Uni du 25 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1957-1958, § 58). De plus, les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard du gouvernement que d’un simple particulier, ou même d’un homme politique. Dans un système démocratique, les actions ou omissions du gouvernement doivent se trouver placées sous le contrôle attentif, non seulement des pouvoirs législatif et judiciaire, mais aussi de l’opinion publique. En outre, la position dominante qu’il occupe lui commande de témoigner de retenue dans l’usage de la voie pénale, surtout s’il y a d’autres moyens de répondre aux attaques et critiques injustifiées de ses adversaires. Il reste certes loisible aux autorités compétentes de l’Etat d’adopter, en leur qualité de garantes de l’ordre public, des mesures même pénales, destinées à réagir de manière adéquate et non excessive à de pareils propos (voir l’arrêt Incal c. Turquie du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, pp. 1567-1568, § 54). Enfin, là où les propos litigieux incitent à l’usage de la violence à l’égard d’un individu, d’un représentant de l’Etat ou d’une partie de la population, les autorités nationales jouissent d’une marge d’appréciation plus large dans leur examen de la nécessité d’une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression.
2. Application des principes susmentionnés
a) Thèses des parties
38. Se référant aux passages de l’article incriminé cités dans l’arrêt de la cour de sûreté de l’Etat (paragraphe 13 ci-dessus), le Gouvernement soutient que le ton sur lequel a été écrit l’article n’est pas celui de la critique mais celui de l’agression verbale contre le régime établi. La requérante ne cherchait pas à exprimer son opinion sur les problèmes d’une classe sociale ou d’une région, mais à provoquer volontairement une confrontation violente entre les différentes classes sociales. Le Gouvernement met également en exergue le contexte socioculturel du pays. En conclusion, d’après lui, l’ingérence litigieuse subie par la requérante répondait à un « besoin social impérieux » et était proportionnée aux buts légitimes poursuivis.
39. La requérante combat les thèses du Gouvernement et soutient avoir été condamnée pour avoir publié des idées exprimées par d’autres personnes. D’ailleurs, les idées exprimées dans l’article litigieux constituent une critique à l’égard du Gouvernement. Selon elle, les mesures prises à son encontre s’analysent donc en une ingérence disproportionnée dans le droit que lui garantit l’article 10 de la Convention.
b) Appréciation de la Cour
40. La Cour relève que l’article litigieux publié dans le bimensuel dont la requérante était éditrice et rédactrice en chef a la forme d’un discours politique, aussi bien par son contenu que par les termes utilisés.
Usant de mots à connotation marxiste, l’auteur de l’article litigieux commençait à dénoncer la montée de l’intégrisme en Turquie et la crise économique dont « la classe ouvrière » et « la jeunesse » ont dû endurer les effets. L’article contenait certaines remarques virulentes au sujet de la politique du gouvernement turc et lançait des accusations en tenant celui-ci pour responsable de la situation : collaborer avec les intégristes ou tolérer ceux qui avaient commis les « massacre à Sivas », « disparitions lors de la garde à vue », « usurpation des droits acquis ». Toutefois, la thèse essentielle de l’article en question semble être à cet égard que la jeunesse devrait participer au combat général de la « classe laborieuse turque » consistant en « grève et résistance générales » pour la lutte contre le chômage et la misère.
41. De son côte, se référant à certains passages de l’article litigieux, la cour de sûreté de l’Etat a considéré que celui-ci avait pour but de susciter dans la société la haine et l’hostilité fondée sur une classe sociale et une région (paragraphe 13 ci-dessus).
42. La Cour rappelle cependant que, comme elle l’a déjà dit plus haut (paragraphe 37 ci-dessus), l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de questions d’intérêt général. A cet égard, à l’analyse, la Cour relève que l’article litigieux, dans son ensemble, présente un appel destiné à la jeunesse pour que celle-ci se joigne à la classe ouvrière dans sa lutte contre le chômage et la misère, et elle ne voit rien qui puisse passer pour un appel à la violence, au soulèvement ou à toute autre forme de rejet des principes démocratiques.
Aux yeux de la Cour, le fait qu’un tel appel politique passe pour incompatible avec la législation répressive de l’Etat turc ne le rend pas contraire aux règles démocratiques. Sous cet angle, cet appel, même s’il englobe un appel à « la grève et la résistance générales », ne se distingue guère de celui lancé par des mouvements politiques dans d’autres pays membres du Conseil de l’Europe. L’essentiel pour la Cour est le fait que le Gouvernement n’a invoqué aucun passage indiquant que l’article litigieux préconisait la poursuite de la violence, qu’il appelait à une vengeance sanglante ou qu’il visait à attirer la haine entre citoyens ainsi qu’il justifiait les actes terroristes pour atteindre les objectives (voir, a contrario, les arrêts Zana c. Turquie précité, §§ 57-56 ; Sürek c. Turquie (n° 1) [GC], n° 26682/95, §§ 62-65, CEDH 1999-IV, et Sürek c. Turquie (n° 3) [GC], n° 24735/94, §§ 40-42, 8 juillet 1999).
43. La Cour souligne par ailleurs la sévérité de l’ingérence litigieuse. D’une part, la requérante a été condamnée à une amende et à une peine d’emprisonnement d’un an et huit mois, qui a été convertie également en une amende (paragraphe 13 ci-dessus). D’autre part, les exemplaires du numéro du bimensuel dans lequel était paru l’article litigieux furent saisis par les autorités (paragraphe 11 ci-dessus).
44. Partant, la Cour conclut que les motifs avancés à l’appui de la condamnation de la requérante ne suffisent pas à démontrer que l’ingérence litigieuse fût « nécessaire dans une société démocratique ». En outre, elle estime que la condamnation en question se révèle disproportionnée aux buts poursuivis. Dès lors, il y a eu en l’espèce violation de l’article 10 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
45. La requérante se plaint de ce qu’au mépris de l’article 6 § 1 de la Convention, elle n’a pas bénéficié d’un procès équitable en raison de la présence d’un juge militaire parmi les magistrats de la cour de sûreté de l’Etat l’ayant condamnée. L’article 6 § 1 dispose en ses passages pertinents :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) »
46. En citant les dispositions de la Constitution turque, le Gouvernement soutient que les cours de sûreté de l’Etat ne sont pas des tribunaux d’exception mais des juridictions pénales spécialisées, instaurées pour juger les crimes contre l’intégrité de l’Etat, comprenant un juge militaire parmi leurs membres effectifs et leurs membres suppléants. Ces juges, qui sont nommés pour quatre ans, ont les mêmes prérogatives d’indépendance et d’impartialité que les juges civils en vertu des dispositions de la Constitution.
47. En outre, d’après le Gouvernement, les arrêts rendus par les cours de sûreté de l’Etat peuvent faire l’objet de pourvoi en cassation devant la Cour de cassation qui a la compétence d’examiner l’affaire sous tous ses aspects.
48. La requérante s’oppose aux thèses du Gouvernement. Se référant à l’arrêt Incal précité, elle réitère son grief selon lequel ces cours ne sont pas indépendantes et impartiales.
49. La Cour rappelle que, dans ses arrêts Incal c. Turquie précité (p. 1547) et Çıraklar c. Turquie du 28 octobre 1998 (Recueil 1998-VII), elle a examiné des griefs similaires à ceux soulevés en l’espèce. Elle a noté en ces occasions que certaines caractéristiques du statut des juges militaires siégeant au sein des cours de sûreté de l’Etat rendaient leur indépendance et leur impartialité sujettes à caution (arrêt Incal précité, p. 1571, § 68). Elle a ainsi pointé du doigt le fait qu’il s’agissait de militaires continuant d’appartenir à l’armée, laquelle dépendait à son tour du pouvoir exécutif, le fait que les intéressés restaient soumis à la discipline militaire, et le fait que leurs désignation et nomination requéraient pour une large part l’intervention de l’administration et de l’armée.
50. La Cour n’a pas pour tâche d’examiner in abstracto la nécessité d’instituer des cours de sûreté de l’Etat à la lumière des justifications avancées par le Gouvernement, mais de rechercher si le fonctionnement de la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul a porté atteinte au droit de la requérante à un procès équitable, et notamment si l’intéressée avait objectivement un motif légitime de redouter un manque d’indépendance et d’impartialité de la part de la juridiction qui la jugeait (arrêts Incal précité, p. 1572, § 70, et Çiraklar précité, p. 3072, § 38).
51. A cet égard, la Cour n’aperçoit aucune raison de s’écarter de la conclusion à laquelle elle est parvenue en ce qui concerne MM. Incal et Çıraklar, qui, comme la requérante, étaient tous deux des civils. Il est compréhensible que, répondant devant une cour de sûreté de l’Etat de l’accusation d’incitation le peuple à la haine ou à l’hostilité au moyen d’une distinction fondée sur l’appartenance à une classe sociale et à une région (paragraphe 12 ci-dessus), l’intéressée ait redouté de comparaître devant des juges au nombre desquels figurait un officier de carrière appartenant à la magistrature militaire. De ce fait, elle pouvait légitimement craindre que la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul ne se laissât indûment guider par des considérations étrangères à la nature de sa cause. En d’autres termes, les appréhensions de la requérante quant au manque d’indépendance et d’impartialité de cette juridiction peuvent passer pour objectivement justifiées.
52. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
53. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage, frais et dépens
54. La requérante réclame 20 000 dollars américains (USD) au titre du préjudice matériel qu’elle a subi, somme correspondant à sa perte de revenus, et 20 000 USD au titre de son préjudice moral, résultant de son exil forcé en Allemagne.
55. La requérante réclame également 5 000 USD (3 000 USD pour les honoraires d’avocat et 2 000 USD pour les frais et dépens) à titre de frais et dépens exposés. Elle ne fournit toutefois aucun justificatif.
56. Le Gouvernement ne s’est pas prononcé sur les prétentions de la requérante.
57. La Cour ne peut faire droit aux demandes de la requérante relatives au manque à gagner, faute d’un lien de causalité suffisant entre la violation du droit à la liberté d’expression et les préjudices invoqués par l’intéressée. Statuant en équité et eu égard à la pratique des organes de la Convention en la matière, elle accorde 4 500 euros (EUR) au titre de dommage moral et 2 000 EUR au titre de frais et dépens.
B. Intérêts moratoires
58. Les sommes accordées étant libellées en euros, la Cour juge approprié de retenir 7,25 % l’an comme le taux d’intérêt moratoire.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Rejette l’exception préliminaire du Gouvernement ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes ci-après, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement : 4 500 EUR (quatre mille cinq cents euros) pour dommage moral et 2 000 EUR (deux mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ou toutes autres charges fiscales exigibles au moment du versement ;
b) que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 7,25 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 juillet 2002 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
T.L. EARLY J.-P. COSTA
Greffier adjoint Président