Osservatorio delle libertà ed istituzioni religiose

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Osservatorio delle Libertà ed Istituzioni Religiose

Documenti • 7 Novembre 2004

Sentenza 07 luglio 2004, n.123

Cour constitutionnelle de Belgique (Cour d’arbitrage). Sentenza 7 luglio 2004, n. 123: ” Les Communautés religieuses ne constituent pas un ménage ordinaire”.

(Omissis)

En cause :

le recours en annulation des articles 115 à 134 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002, introduit par la « Fédération M.R.B. – Fédération mutualiste d’assurance maladie, Tous Risques en Belgique », et autres.

La Cour d’arbitrage,
composée du juge R. Henneuse, faisant fonction de président, et du président A. Arts, et
des juges E. De Groot, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le juge R. Henneuse,

après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :

I. Objet du recours et procédure

Par requête parvenue au greffe de la Cour le 1er juillet 2003, la « Fédération M.R.B. –
Fédération mutualiste d’assurance maladie, Tous Risques en Belgique », dont le siège social est établi à 1210 Bruxelles, boulevard Saint-Lazare 2, l’a.s.b.l. Association des Supérieurs Majeurs de Belgique, dont le siège social est établi à 1030 Bruxelles, rue du Progrès 333, et M.-J. Henricot, M. de Waerseghers, H. Florent et A. Habaru, demeurant à 5020 Namur, place du Couvent 3, ont introduit un recours en annulation des articles 115 à 134 de la loiprogramme
(I) du 24 décembre 2002 (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2002).
Des mémoires ont été introduits par :
– le Conseil des ministres;
– l’a.s.b.l. Vereniging der Hogere Oversten van België (V.H.O.B.), dont le siège social
est établi à 1030 Bruxelles, rue du Progrès 333, C. Jammaers, M. Simons, M.R. Steurs,
demeurant à 3001 Heverlee, Naamsesteenweg 355, et F. Belderbos, L. Mertens et A. Van Avondt, demeurant à 3040 Huldenberg, Stroobantsstraat 79.
Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse et le Conseil des ministres et l’a.s.b.l. Vereniging der Hogere Oversten van België (V.H.O.B.) et autres ont également
introduit des mémoires en réplique.
Par ordonnance du 31 mars 2004, la Cour a déclaré l’affaire en état et fixé l’audience au
5 mai 2004 après avoir invité :
a) les quatrième, cinquième et sixième parties requérantes à indiquer si elles bénéficient
d’une allocation de remplacement de revenus, d’une allocation d’intégration ou d’une
allocation pour personnes âgées;
b) les parties à indiquer quelle incidence peut avoir concrètement l’application de
l’article 23 de l’arrêté royal du 5 mars 1990 « relatif à l’allocation pour l’aide aux personnes âgées » sur le montant de ladite allocation, dans un mémoire complémentaire à introduire le 27 avril 2004 au plus tard et dont elles feront parvenir une copie aux autres parties dans le même délai.
Le Conseil des ministres et les parties requérantes ont introduit des mémoires
complémentaires.
A l’audience publique du 5 mai 2004 :
– ont comparu :
. Me L. Cambier et Me D. Renders, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties
requérantes;
. Me F. Peels loco Me E. Claes, avocats au barreau de Bruxelles, pour l’a.s.b.l.
Vereniging der Hogere Oversten van België (V.H.O.B.) et autres;
. Me K. Ronse, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me L. Simont, avocat à la Cour de
cassation, pour le Conseil des ministres;
– les juges-rapporteurs J.-P. Moerman et E. De Groot ont fait rapport;
– les avocats précités ont été entendus;
– l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.

II. En droit

– A –

Quant à l’intérêt des parties requérantes

A.1.1. La première partie requérante, la « Fédération M.R.B. – Fédération mutualiste d’assurance maladie, Tous Risques en Belgique », est une fédération mutuelle réservée aux religieux et missionnaires de Belgique.
L’article 2 de ses statuts prévoit qu’elle doit à ses affiliés aide, information, guidance et assistance. Une majorité
de ses affiliés seraient affectés par les dispositions attaquées dès lors qu’ils sont religieux ou missionnaires,
cohabitant au sein d’une même communauté.

A.1.2. Le Conseil des ministres conteste l’intérêt à agir de la première partie requérante. Celui-ci ne serait
pas démontré à suffisance et se limiterait aux intérêts individuels de ses membres.

A.1.3. La première partie requérante répond qu’en qualité de fédération mutuelle, elle a un intérêt collectif à ce que soient annulées des dispositions législatives qui modifient le régime indemnitaire d’une partie de ses
membres.
Le refus ou la perte d’allocations auquel peuvent aboutir ces dispositions priverait la personne handicapée de moyens de subsistance importants, mettant en danger son accès aux soins de santé et l’obligeant à vivre de
façon contraire à la dignité humaine, ce qu’une mutualité se devrait d’enrayer.

A.2.1. La deuxième partie requérante, l’« Association des Supérieurs Majeurs de Belgique » (A.S.M.B.), prenant appui sur l’article 2 de ses statuts, soutient qu’elle a intérêt au recours dès lors que les dispositions attaquées portent atteinte aux intérêts des membres des communautés religieuses dont elle doit garantir le
développement et la bonne marche.

A.2.2. D’après le Conseil des ministres, le lien de causalité entre les dispositions attaquées et les inconvénients dont fait état la deuxième partie requérante ne serait ni suffisamment précis ni suffisamment direct
pour constituer l’intérêt requis.

A.2.3. Il est répondu que l’un des objectifs de la deuxième partie requérante est de présenter à ses membres un concours matériel pour développer, promouvoir et entretenir les instituts religieux et les sociétés de vie
apostolique auxquels appartiennent ses membres. Or, les dispositions contestées amoindriraient les ressources financières que l’association s’est engagée à garantir à ceux-ci.

A.3.1. Les autres parties requérantes sont des religieuses qui sont membres de la «Communauté religieuse des Soeurs de la Providence ». A l’exception de la troisième partie requérante, qui ne perçoit pas d’allocations pour personne handicapée, elles habitent ensemble dans le couvent de leur congrégation et s’estiment lésées par les dispositions en cause dès lors que l’allocation pour personne handicapée qu’elles perçoivent ou devraient
percevoir à bref délai risque de leur être supprimée, soit directement, soit en cas de révision de leur handicap.

A.3.2. Le Conseil des ministres soutient que la troisième partie requérante n’a pas des’intérêt à l’annulation dès lors qu’elle est membre d’une communauté religieuse composée de soeurs qui perçoivent une allocation mais qu’elle n’en perçoit pas elle-même.
Quant aux quatrième, cinquième et sixième partie srequérantes, elles n’auraient pas non plus intérêt à demander l’annulation des dispositions en cause dès lors qu’elles ont toutes dépassé l’âge de 65 ans. Or, les
dispositions attaquées concernent des allocations de remplacement de revenus ou des allocations d’intégration octroyées aux personnes handicapées qui, au moment de l’introduction de leur demande, sont âgées d’au moins 21 ans et de moins de 65 ans.

A.3.3. Il est répondu que l’intérêt de la troisième partie requérante résiderait dans le fait que les dispositions en cause aboutissent à diminuer les possibilités pour les communautés religieuses de se voir octroyer
les allocations en cause.
En ce qui concerne les autres parties requérantes, si elles ne peuvent prétendre qu’à la seule allocation pour l’aide aux personnes âgées, les articles 121 et 134 de la loi attaquée sont applicables à toutes les allocations pour personne handicapée, que ce soit l’allocation de remplacement de revenus, l’allocation d’intégration ou l’allocation pour l’aide aux personnes âgées.
Quant à l’intérêt des parties intervenantes

A.4.1. La première partie intervenante, l’a.s.b.l. Vereniging der Hogere Oversten van België (V.H.O.B.), réunit des religieux de sexe masculin qui appartiennent à des communautés établies en Flandre ou à Bruxelles.
Les dispositions litigieuses porteraient une atteinte directe aux intérêts des membres des communautés religieuses dont l’association défend le développement et le bien-être.

A.4.2. Les deuxième, troisième et quatrième parties intervenantes sont membres d’une communauté religieuse d’Heverlee et bénéficient toutes trois d’une allocation pour personne handicapée et s’estiment
préjudiciées par les dispositions qu’elles contestent dès lors que celles-ci risqueraient de leur faire perdre cette
allocation soit directement, soit à l’occasion d’une procédure en révision.

A.4.3. Les cinquième, sixième et septième parties intervenantes sont membres d’une communauté religieuse d’Huldenberg et bénéficient également d’une allocation pour personne handicapée.

A.5.1. Les parties requérantes, de même que les parties intervenantes, prennent un premier moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l’article 121 de la loi attaquée, en ce qu’elle rompt avec la
conception traditionnelle du ménage pour lui préférer toute forme de cohabitation, ce qui serait disproportionné eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur.
Il est reproché à la disposition précitée de ne pas considérer que les communautés religieuses ou laïques ne constituent pas des « ménages économiques ordinaires ». Il en résulterait une impossibilité de percevoir
l’allocation pour personne handicapée dès lors que, lorsque la communauté se compose de plus de deux personnes, les revenus du « ménage » dépassent le montant de l’allocation.
Les parties requérantes et intervenantes relèvent que si les revenus du ménage étaient comparés à l’allocation pour personne handicapée, en divisant les ressources financières par le nombre de personnes qui
partagent la même résidence principale, y compris l’intéressé, ce qui a d’ailleurs été prévu par la législation relative à la garantie de revenus aux personnes âgées, les différences de traitement dénoncées n’apparaîtraient pas.
Il est également fait grief à la disposition en cause de violer les articles 19 et 26 de la Constitution en contraignant de facto les communautés religieuses et laïques à ne pas s’associer et/ou à ne pas vivre selon les
règles qui gouvernent leur idéologie.

A.5.2. Le Conseil des ministres relève que si l’annulation des articles 115 à 134 de la loi est demandée, les moyens visent les seuls articles 121 et 134, de sorte que la Cour devrait limiter son examen à ces deux
dispositions.
Le Conseil des ministres rappelle ensuite le double objectif qui était poursuivi par le législateur en adoptant les dispositions attaquées : d’une part, éliminer certaines discriminations à l’égard de certaines formes de cohabitation, notamment entre personnes de même sexe et, d’autre part, tenir compte des possibilités financières réelles de la personne handicapée.
Il insiste également sur le fait que la disposition litigieuse instaure un régime de présomption réfragable. La différence de traitement dénoncée résultera donc de l’interprétation qui sera faite de la situation concrète de la personne handicapée et non de la disposition en cause en elle-même.
A titre subsidiaire, le Conseil des ministres soutient que le régime mis en place ne comporte aucune différence de traitement entre les différents types de ménages rencontrés dès lors que ce système permet aux ménages de bénéficier d’abattements, d’immunisations et d’exonérations sur les revenus, tenant compte de ce que ces revenus sont uniquement les revenus imposables.
Le moyen manquerait en fait dès lors que le régime dénoncé ne comporterait aucune différence de traitement entre les ménages ordinaires et les autres.
Pour le surplus, le Conseil des ministres prétend que le régime mis en place, s’il devait tout de même aboutir à des différences de traitement, ne pourrait être considéré comme disproportionné. Quoi qu’il arrive, la
personne handicapée peut, en effet, toujours bénéficier d’autres régimes d’assistance tels que le minimex ou la garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA).
Il ajoute encore que la vie ne communauté est un choix qui ne peut primer sur l’intérêt de la collectivité ou l’évolution de la société.

A.5.3. Selon les parties requérantes, la circonstance que le législateur permette aux personnes concernées de démontrer qu’elles ne forment pas un « véritable » ménage au sens de la loi attaquée, de sorte qu’il n’y ait pas
de globalisation des revenus, met ces personnes dans la plus grande insécurité juridique. Il convenait donc que le
législateur intervienne expressément pour exclure du champ d’application de la loi les communautés religieuses et laïques.
Le fait que, de manière limitée, des arrêtés d’exécution corrigent la situation n’enlèverait rien à ce constat.
En outre, prétendre que la personne handicapée pourrait toujours recourir à d’autres mécanismes de solidarité démontrerait davantage encore l’inconstitutionnalité des dispositions attaquées dès lors que celles-ci ne fourniraient pas l’allocation pour personne handicapée à tous ceux et toutes celles qui sont réellement dans le besoin.

A.6.1. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l’article 121 de la loi attaquée en ce qu’elle a pour effet que soit les revenus du ménage sont inférieurs à l’allocation de handicapé, de sorte que celle-ci peut se cumuler avec ces revenus, soit les revenus du ménage sont supérieurs à l’allocation et celle-ci ne peut pas être perçue.
Il est également reproché à la même disposition de faire dépendre l’octroi d’une allocation d’intégration du niveau des revenus du ménage, alors que cette allocation correspond à des frais immuables, quel que soit le ménage dans lequel la personne handicapée vit.

A.6.2. Le Conseil des ministres commence par relever que la disposition modifiée ne crée en elle-même aucune distinction puisqu’elle s’applique à tous. Le seuil fixé par cette disposition ne serait, en outre, nullement
déraisonnable. Il renvoie aux dispositions mises en place par l’arrêté royal du 22 mai 2003 « relatif aux allocations de remplacement de revenu et l’allocation d’intégration » pour déterminer le montant du revenu du ménage auquel l’article 121 incriminé se réfère.

A.6.3. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes indiquent qu’il ne s’agit pas de critiquer une modification législative mais de comparer deux catégories de personnes, à savoir celles qui peuvent cumuler
l’allocation litigieuse avec leurs revenus et celles qui ne peuvent pas cumuler cette allocation, sans qu’une règle
proportionnelle ne leur soit appliquée.
Quant à l’arrêté royal auquel le Conseil des ministres se réfère, il est soutenu que celui-ci n’est nullement de nature à instaurer une règle proportionnelle a posteriori mais seulement à baisser le seuil en dessous ou audessus duquel le ménage finira par se retrouver.

A.7.1. Dans un troisième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution en ce que l’article 134 de la loi attaquée ne prévoit pas de dispositions transitoires au bénéfice des personnes handicapées qui bénéficiaient d’une allocation sous l’empire de la législation ancienne.
Or, l’article 23 de la Constitution prévoirait une obligation de standstill interdisant de supprimer le droit à des allocations pour des personnes qui en disposaient jusqu’alors.

A.7.2. Le Conseil des ministres soutient que ce moyen est irrecevable dans la mesure où les parties requérantes resteraient en défaut de préciser à quelle catégorie de personnes elles entendent être comparées et en quoi elles subiraient un traitement discriminatoire.
A titre subsidiaire, le Conseil des ministres soutient que le moyen manque en fait dès lors que la personne handicapée qui serait exclue du système d’assistance des allocations pour personne handicapée, pourrait en tout
état de cause faire valoir ses droits dans d’autres systèmes mis en place.

A.7.3. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes soulignent que l’article 23 de la Constitution a été adopté en vue de consolider les acquis sociaux et interdisait, dès lors, toute forme de régression
significative dans la protection des formes d’aides sociales existantes, notamment le droit à des allocations pour personnes handicapées. Or, les dispositions litigieuses porteraient atteinte à ce droit.

A.8. Les parties intervenantes soulèvent un troisième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l’article 121, § 3, de la loi incriminée implique une conception très large de la notion de ménage qui inclut les communautés religieuses alors que la cohabitation de leurs membres se distingue par une
finalité spécifique découlant directement des objectifs philosophiques, religieux ou philanthropiques que se sont fixés ces congrégations ou communautés. La disposition incriminée porterait également de ce fait atteinte à l’article 19 de la Constitution.

A.9. Un quatrième moyen soulevé par les parties intervenantes est formulé dans un sens identique au troisième moyen invoqué par les parties requérantes.

A.10. Dans son mémoire en réplique, le Conseil des ministres informe la Cour de l’existence d’un projet de loi qui aurait pour objet de modifier la notion de ménage de telle sorte que le recours introduit par les parties
requérantes deviendrait sans objet, dans la mesure où la loi nouvelle ne permettrait plus de les intégrer dans cette
notion.

– B –

Quant à l’intérêt des parties requérantes

B.1.1. La première partie requérante, la « Fédération M.R.B. – Fédération mutualiste
d’assurance maladie, Tous Risques en Belgique », est une fédération mutuelle réservée aux religieux et missionnaires de Belgique.
La deuxième partie requérante, « l’Association des Supérieurs Majeurs de Belgique », est
une association sans but lucratif qui regroupe les religieux masculins vivant dans une
communauté religieuse située en Wallonie ou à Bruxelles.

B.1.2. Selon le Conseil des ministres, les dispositions attaquées n’auraient pas
d’incidence directe sur la situation des affiliés de la première partie requérante. L’intérêt collectif dont celle-ci se prévaut serait, en outre, limité aux intérêts individuels de ses membres.
Le Conseil des ministres soutient également que l’intérêt de la deuxième partie
requérante ne serait pas suffisamment précis ni direct pour constituer l’intérêt requis.

B.1.3. Lorsqu’une association sans but lucratif se prévaut d’un intérêt collectif, il est requis que son objet social soit d’une nature particulière et, dès lors, distinct de l’intérêt général; que l’intérêt collectif ne soit pas limité aux intérêts individuels des membres; que la norme entreprise soit susceptible d’affecter l’objet social; enfin, qu’il n’apparaisse pas que l’objet social ne soit pas ou plus réellement poursuivi.

B.1.4.1. Selon l’article 2 de ses statuts, la « Fédération M.R.B. – Fédération mutualiste
d’assurance maladie, Tous Risques en Belgique » a notamment pour tâche, outre de se porter garante du remboursement des prestations de santé, à ses membres ou aux personnes qui sont établies à leur charge, l’octroi d’aide, d’information, de guidance et d’assistance lors de l’accomplissement de sa mission.
Les dispositions attaquées, qui ont pour objet de modifier plusieurs dispositions de la loi
du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées, ne sont pas étrangères à l’objet social que poursuit l’association requérante. En modifiant la notion de ménage de telle sorte qu’elle est susceptible d’englober les communautés religieuses dont sont membres ses affiliés, la loi en cause a une incidence directe et défavorable sur la situation de ces
derniers, qui risquent de se voir exclus du bénéfice de l’allocation pour personne handicapée qu’ils percevaient en vertu de la loi ancienne.

B.1.4.2. L’exception est rejetée.

B.1.4.3. Quant à l’ « Association des Supérieurs Majeurs de Belgique », on peut lire à l’article 2 de ses statuts qu’elle poursuit comme but l’étude et la recherche de solutions
concernant le développement et la bonne marche de chacun des instituts religieux et des
sociétés de vie apostolique en particulier, ainsi que la présentation à ses membres de façon générale, d’un concours matériel ou moral, pour fonder, développer, promouvoir et entretenir leurs instituts et leurs oeuvres, tant en Belgique qu’à l’étranger.
Des dispositions qui concernent la situation financière de certains membres de l’association en raison de leur handicap ne présentent pas un lien suffisamment direct avec un concours matériel, même sous la forme de ressources financières, destiné à fonder,
développer, promouvoir et entretenir des instituts religieux ou des sociétés de vie apostolique.
Les allocations aux personnes handicapées, qui, comme le rappellent d’ailleurs les parties
requérantes, permettent à la personne handicapée de subvenir à ses besoins de soins médicaux ou autres, générés par son handicap, ne peuvent nullement se confondre avec les ressources nécessaires aux instituts et sociétés dont sont membres des personnes handicapées pour leur fonctionnement et leur développement.

B.1.4.4. Le recours introduit par la deuxième partie requérante est irrecevable.

B.1.5. Le Conseil des ministres conteste l’intérêt à agir de la troisième partie requérante, M.-J. Henricot, au motif que celle-ci n’est pas handicapée et ne perçoit dès lors aucune allocation visée par la loi en cause.

B.1.6.1. N’étant atteinte d’aucune forme de handicap, la troisième partie requérante n’est
pas directement affectée par les dispositions en cause.

B.1.6.2. Le recours introduit par la troisième partie requérante est irrecevable.

B.1.7.1. Le Conseil des ministres conteste également l’intérêt à agir des cinquième et
sixième parties requérantes au motif que celles-ci sont âgées de plus de 65 ans et ne peuvent plus prétendre à l’allocation de remplacement de revenus et à l’allocation d’intégration. Quant à l’allocation pour l’aide aux personnes âgées, l’article 23 de l’arrêté royal du 5 mars 1990
consacré à cette allocation prévoit que lorsque dans un ménage, plusieurs personnes ont droit à une allocation, il est tenu compte, pour chacun des bénéficiaires, de la totalité des revenus du ménage, divisé par le nombre de personnes dont le revenu est pris en compte pour le calcul de l’allocation.

B.1.7.2. Contrairement à ce qu’affirme le Conseil des ministres, les personnes âgées de
plus de 65 ans peuvent continuer à percevoir une allocation de remplacement de revenus ou
une allocation d’intégration. Si l’article 2, §§ 1er et 2, de la loi du 27 février 1987 prévoit que la personne handicapée doit introduire sa demande d’allocation avant d’avoir atteint l’âge de 65 ans, l’article 5 de la même loi indique que le droit à l’allocation de remplacement de revenus ou à l’allocation d’intégration continue à exister après l’âge de 65 ans pour autant qu’il reste payable sans interruption.

B.1.7.3. L’exception est rejetée.

Quant à l’étendue du recours

B.2. Les parties requérantes demandent l’annulation des articles 115 à 134 de la loiprogramme (I) du 24 décembre 2002. Il ressort toutefois de la requête introduite et de l’exposé des moyens que sont seuls en cause les articles 121 et 134 de ladite loi. La Cour limite son examen à ces dispositions.

Quant au fond

B.3.1. L’article 121 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 remplace l’article 7 de
la loi du 27 février 1987 « relative aux allocations aux personnes handicapées » par la
disposition suivante :
« § 1er. Les allocations visées à l’article 1er ne peuvent être accordées que si le montant
du revenu de la personne handicapée et le montant du revenu des personnes avec lesquelles
elle forme un ménage ne dépasse pas le montant des allocations visé à l’article 6.
Le Roi détermine par arrêté délibéré en Conseil des Ministres ce qu’il faut entendre par ‘ revenu ’ et par qui, selon quels critères et de quelle manière le montant doit en être fixé.
Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, déterminer que certains revenus
ou parties de revenus, dans les conditions qu’Il détermine, ne sont que partiellement ou ne sont pas pris en considération. Il peut opérer une distinction en fonction du fait qu’il s’agit d’une allocation de remplacement de revenus, d’une allocation d’intégration ou d’une allocation pour l’aide aux personnes âgées. Il peut aussi opérer une distinction en fonction de l’appartenance du bénéficiaire à la catégorie A, B ou C, en fonction du degré d’autonomie de la personne handicapée, en fonction du fait qu’il s’agit du revenu de la personne handicapée elle-même ou du revenu des membres de son ménage, ou en fonction de l’origine des revenus.
§ 2. La personne handicapée et les membres de son ménage sont tenus de faire valoir
leurs droits aux prestations et indemnités auxquelles ils peuvent prétendre en vertu d’une autre législation belge ou étrangère ou en vertu de règles applicables au personnel d’une institution internationale publique et qui trouvent leur fondement dans une limitation de la capacité de gain ou à des prestations sociales relatives à la maladie et l’invalidité, au chômage, aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, aux pensions de retraite et de survie, à la
garantie de revenus aux personnes âgées et au revenu garanti pour personnes âgées, ou qui
trouvent leur fondement dans un manque ou une réduction de l’autonomie, ou dans les
articles 1382 et suivants du Code civil relatif à la responsabilité civile.
§ 3. Il y a lieu d’entendre par « ménage » toute cohabitation de personnes qui forment
une entité économique du simple fait que ces personnes supportent en commun, principalement, les frais journaliers pour assurer leur subsistance.
L’existence d’un ménage est présumée lorsque plusieurs personnes ont leur résidence
principale à la même adresse. La preuve du contraire peut être apportée par tous les moyens possibles.
§ 4. Les allocations visées à l’article 1er peuvent être accordées à titre d’avance sur les
prestations et indemnités auxquelles le demandeur peut prétendre en vertu d’une autre
législation belge ou étrangère ou en vertu de règles applicables au personnel d’une institution internationale publique et qui trouvent leur fondement dans une limitation de la capacité de gain ou à des prestations sociales relatives à la maladie et l’invalidité, au chômage, aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, aux pensions de retraite et de survie, à la
garantie de revenus aux personnes âgées et au revenu garanti pour personnes âgées, ou qui
trouvent leur fondement dans un manque ou une réduction de l’autonomie, ou dans les
articles 1382 et suivants du Code civil relatif à la responsabilité civile.
Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, dans quelles conditions,
selon quelles modalités et jusqu’à concurrence de quel montant ces avances peuvent être
accordées, ainsi que leur mode de récupération. Le service ou l’organisme payeur est subrogé aux droits du bénéficiaire jusqu’à concurrence du montant des avances versées. »

B.3.2. Quant à l’article 134 de la même loi-programme, il disposait :
« Le présent chapitre entre en vigueur le 1er juillet 2003, à l’exception de l’article 128 qui entre en vigueur le 1er janvier 2003. »
Il a toutefois été remplacé par l’article 275 de la loi-programme du 22 décembre 2003
prévoyant ce qui suit :
« Les articles 115, 118, 122, 123, 125, 126, 127, 130, 131, 132 en 133 entrent en vigueur
le 1er juillet 2003.
L’article 128 entre en vigueur le 1er janvier 2003.
Les articles 116, 117, 119, 120, 121, 124 et 129 entrent en vigueur le 1er juillet 2004. »

B.4. Dès lors qu’aucun recours n’a été introduit contre l’article 275 de la loi-programme du 22 décembre 2003 (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2003), le troisième moyen est sans objet.

B.5. Dans un premier moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l’article 121, § 3, de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 en ce que celui-ci définit la notion de ménage par « toute cohabitation de personnes qui forment une entité économique du simple fait que ces personnes supportent en commun, principalement, les frais journaliers pour assurer leur subsistance ». La disposition incriminée dépasserait les objectifs poursuivis par le législateur et créerait une discrimination en traitant
de manière identique, d’une part, les ménages ordinaires et, d’autre part, ceux qui ne le sont pas, comme c’est le cas des communautés religieuses ou laïques.

B.6.1. Il ressort des travaux préparatoires de la disposition incriminée qu’en modifiant la
définition de la notion de ménage, le législateur entendait adapter les critères et les modalités d’octroi des allocations aux personnes handicapées aux formes actuelles de cohabitation, en tenant compte non seulement des revenus propres de la personne handicapée, mais aussi de ceux des personnes avec lesquelles la personne handicapée forme ce ménage (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-2124/001, pp. 86 à 88 et 92).
Conscient que l’administration ne pouvait examiner chaque situation de vie particulière,
le législateur a opté pour un système de présomption d’existence d’un ménage lorsque deux ou plusieurs personnes sont domiciliées à la même adresse, en laissant toutefois la possibilité à l’intéressé de démontrer par tous les moyens possibles que la situation de fait se distingue de la situation juridique dont témoigne le registre national (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-2124/001, p. 92).
Dans les travaux préparatoires, il est relevé qu’à la suite d’une proposition d’amendement, le ministre des Affaires sociales a déclaré en Commission des affaires sociales :
« […] partager l’avis de l’auteur de l’amendement sur le fond. Il souligne cependant que les personnes qui pouvaient déjà bénéficier du revenu minimum garanti ne perdent pas leurs droits acquis. Il n’en demeure pas moins que l’on doit trouver une solution pour les religieux, bien que la discussion de la loi-programme ne paraisse pas être le moment le plus propice » (Doc. parl., Sénat, 2002-2003, n° 2-1390/3, p. 63).

B.6.2. En disposant que toute cohabitation de personnes qui forment une entité économique du fait qu’elles supportent en commun, principalement, les frais journaliers pour
assurer leur subsistance, sans prendre en considération le nombre de ces personnes ni la nature de leur cohabitation, le législateur est allé au-delà de l’objectif qu’il poursuit. Dès lors qu’il entendait adapter la définition du ménage à l’évolution de la société pour prendre en compte d’autres formes de cohabitation que celle du mariage qui peuvent influencer les revenus de ce ménage, le critère tiré de la seule prise en charge commune des frais journaliers ne permet pas
de distinguer suffisamment ces nouvelles formes de cohabitation d’autres formes de prise en charge commune de frais journaliers qui existaient avant l’adoption de la loi incriminée et qui se trouvaient exclues de la notion de ménage.
Il s’ensuit qu’en ce qu’il a pour effet d’inclure les communautés religieuses ou laïques dans la notion de ménage, le critère employé en l’occurrence par le législateur n’est pas pertinent par rapport à l’objectif que celui-ci entendait poursuivre.

B.6.3. La circonstance que la présomption d’existence d’un ménage puisse être renversée
par toute voie de droit, un large pouvoir d’appréciation étant laissé à l’administration, ne modifie rien à ce constat. En effet, l’absence de critères précis permettant de distinguer la
cohabitation de personnes au sens que le législateur a entendu lui donner, par rapport à
d’autres formes de cohabitation qu’il n’avait manifestement pas l’intention d’inclure dans la
notion de ménage, crée dans le chef des personnes qui pourraient envisager le renversement de la présomption légale une incertitude incompatible avec le principe d’égalité.

B.7. Le moyen est fondé.

B.8. Etant donné que le deuxième moyen ne peut mener à une annulation plus étendue, il
ne doit pas être examiné.

Par ces motifs,

la Cour

annule l’article 121 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande,
conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage, à
l’audience publique du 7 juillet 2004.

Le greffier, Le président f.f.,
L. Potoms R. Henneuse