Osservatorio delle libertà ed istituzioni religiose

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Osservatorio delle Libertà ed Istituzioni Religiose

Documenti • 26 Ottobre 2004

Sentenza 05 ottobre 2004, n.03-15709

Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 5 octobre 2004 Rejet

N° de pourvoi : 03-15709
Publié au bulletin

Président : M. TRICOT

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 28 février 2002), qu’au cours de vérifications de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 1992 et le 31 août 1996, l’administration des Impôts a constaté que l’association “Les Témoins de Jéhovah” (l’association) avait recueilli des sommes d’argent enregistrées dans sa comptabilité, au titre des années 1993 à 1996, sous la désignation d'”offrandes” et qualifiées par l’Administration de “dons manuels” ; qu’elle a mis en demeure l’association de déclarer ces dons dans le délai d’un mois ; qu’en l’absence de déclaration, l’administration des Impôts, recourant à la procédure de taxation d’office, lui a adressé une notification de redressement suivie d’un avis de mise en recouvrement des droits, pénalités et intérêts de retard ; que sa réclamation ayant été rejetée, l’association a fait assigner le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine devant le tribunal de grande instance pour obtenir l’annulation de la notification de redressement et de l’avis de mise en recouvrement au motif qu’il n’y avait pas lieu à taxation sur le fondement de l’article 757, alinéa 2, du Code général des impôts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’association fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande, alors selon le moyen, que constitue un traitement automatisé d’informations nominatives tout ensemble d’opérations réalisées par des moyens automatiques relatif à la collecte, l’enregistrement, l’élaboration, la modification, la conservation et la destruction d’informations nominatives ainsi que tout ensemble d’opérations de même nature se rapportant à l’exploitation de fichiers ou bases de données et notamment les interconnections ou rapprochements, consultation ou communications d’informations nominatives ; que la collecte à l’aide d’ordinateurs portables de données comptables comportant la date de remise en banque, le nom du donateur et le montant du don constitue un traitement automatisé, si bien qu’en décidant le contraire à partir de considérations inopérantes, après avoir cependant constaté la nature des opérations réalisées par l’administration fiscale, la cour d’appel ne tire pas les conséquences légales de ses constatations violant ce faisant l’article 5 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Mais attendu que la cour d’appel ayant constaté que les relevés des versements des donateurs comportant leur nom, établis par l’Administration au moyen d’ordinateurs portables, étaient la transcription imprimée des documents papier remis par l’association à seule fin de mise en forme des informations recueillies et d’édition d’un document annexé à la notification du redressement à titre d’information du contribuable sur les opérations concernées, ce dont il résultait que l’utilisation des procédés informatiques par l’Administration au cours de la procédure de vérification de comptabilité n’avait pas porté atteinte aux intérêts du contribuable, celui-ci disposant par ailleurs des moyens institués par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 pour s’assurer du respect des dispositions protectrices de ce texte, sa décision se trouve justifiée en l’état de ce seul motif ; qu’il s’ensuit que la discussion relative à l’existence d’un traitement automatisé d’informations nominatives est inopérante ; que le moyen ne peut être acueilli ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses sept branches :
Attendu que l’association fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la donation se caractérise par un enrichissement corrélatif à un appauvrissement ; qu’une association, soumise au principe de spécialité de son objet statutaire, ne peut affecter ses ressources, de quelque nature que ce soit, qu’à la seule réalisation de son objet, ce dont il résulte que les transferts manuels de sommes d’argent à son profit ne peuvent sauf circonstances particulières, nullement caractérisées en l’espèce, constituer un enrichissement, mais seulement permettre la réalisation de son objet ; d’où il suit qu’en statuant comme elle le fait, après avoir constaté qu’en l’espèce les sommes litigieuses avaient été remises à l’association “Les Témoins de Jéhovah”, qui ne pouvait -et ne devait- dès lors que les employer conformément à ses statuts, la cour d’appel viole les articles 894 et 1105 du Code civil et 757 du Code général des impôts ;
2 / qu’en toute hypothèse, la modicité d’un transfert de valeur est de nature à exclure la qualification de donation ; qu’en affirmant dès lors de façon abstraite et péremptoire que “la modicité du don ne suffit pas à exclure cette qualification de libéralité”, sans autres précisions la cour d’appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles 894 et 1105 du Code civil, violés ;
3 / que, toujours en toute hypothèse, la modicité, ainsi que la périodicité, des remises de fonds par les sociétaires ou sympathisants, constitutives de ressources courantes pour une association, emporte par nature leur affectation aux dépenses courantes et au fonctionnement de l’association, exclusive de la qualification de donation ; d’où il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, après avoir constaté que les sommes litigieuses étaient portées sur un compte intitulé “offrandes” et que les fonds étaient recueillis de façon régulière auprès des sociétaires et sympathisants sur plusieurs années, la cour d’appel viole les articles 894 et 1105 du Code civil et 757 du Code général des impôts ;
4 / qu’en statuant comme elle le fait, à l’aide d’une motivation générale et abstraite, quasi-normative, cependant qu’il lui appartenait pour justifier légalement son arrêt d’examiner chaque opération qualifiée par l’administration fiscale de “donation” et de caractériser dans chaque cas l’importance de la somme remise à l’association par chaque donateur au regard de sa situation de fortune et de ses revenus ; que faute de satisfaire à cette exigence, la cour d’appel viole l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, 5 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / qu’il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat à titre gratuit de démontrer l’intention libérale qui ne peut se déduire de la seule constatation d’un transfert de valeur d’un patrimoine dans un autre ; qu’en se fondant dès lors sur la constatation d’un transfert d’une chose mobilière de “la main à la main” pour en déduire que l’exercice d’un culte auquel les donateurs entendaient contribuer “ne peut suffire à caractériser la charge grevant un don et gommer l’intention libérale qui anime à l’évidence les bienfaiteurs”, la cour d’appel présume l’intention libérale et renverse le fardeau de la preuve en violation de l’article 1315 du Code civil ;
6 / qu’un avantage quelconque direct ou indirect, y compris une simple satisfaction morale, est de nature à exclure toute intention libérale ; qu’en posant dès lors comme règle “que l’exercice d’un culte auquel les donateurs entendraient contribuer ne peut suffire à caractériser la charge grevant un don et gommer l’intention libérale qui anime à l’évidence les bienfaiteurs”, la cour d’appel ne justifie pas davantage son arrêt et viole les articles 894 et 1105 du Code civil ;
7 / qu’en statuant comme elle le fait, à l’aide d’une motivation générale et abstraite, quasi-normative, cependant qu’il lui appartenait pour justifier légalement son arrêt d’examiner chaque opération qualifiée par l’administration fiscale de “donation” et de caractériser dans chaque cas l’existence d’une intention libérale animant chaque donateur ; que faute de satisfaire à cette exigence, la cour d’appel viole l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, 5 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association prévoit que toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, recevoir des dons manuels et que, dès lors, l’affectation à la réalisation de l’objet statutaire de l’association des sommes d’argent qui lui ont été remises n’est pas de nature à les priver de cette qualification ;
Attendu, en deuxième lieu, qu’il ne résulte ni de ses conclusions, ni de l’arrêt, que l’association ait soutenu devant la cour d’appel qu’en raison de leur périodicité, les sommes recueillies étaient affectées par nature aux dépenses courantes et au fonctionnement de l’association ; d’où il suit que le moyen, pris en sa troisième branche, est nouveau et mélangé de fait et de droit, en ce qu’il invite le juge à se prononcer sur la périodicité des versements recueillis par l’association ;
Attendu, en troisième lieu, que l’article 894 du Code civil n’opérant pas de distinction selon la valeur de la chose aliénée, la cour d’appel a décidé, à bon droit, que la modicité des sommes données ne suffisait pas à exclure la qualification de libéralité qui pourrait leur être attribuée et n’était donc pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par la quatrième branche du moyen ;
Attendu, enfin, que, répondant à l’association qui faisait valoir que son budget était exclusivement constitué d’offrandes religieuses consenties par les fidèles de la confession dont l’exercice du culte était la contrepartie, la cour d’appel a relevé que les sommes enregistrées par l’association dans sa comptabilité étaient des dons manuels dont les auteurs étaient animés à son égard d’une intention libérale que l’exercice d’un culte auquel ceux-ci entendraient contribuer ne pouvait suffire à exclure ; que la cour d’appel a ainsi considéré souverainement, sans inverser la charge de la preuve, que l’intention libérale animant les donateurs était établie et légalement justifié sa décision ;
D’où il suit qu’irrecevable en sa troisième branche, le moyen ne peut être accueilli pour le surplus ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que l’association fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la communication obligatoire de la comptabilité à l’administration fiscale à l’occasion d’un contrôle ne constitue pas une révélation par le donataire d’un don manuel à l’Administration au sens de l’article 757 du Code général des impôts ; d’où il suit qu’en décidant le contraire, la cour d’appel viole ce texte ;
2 / qu’en toute hypothèse, la comptabilité de l’association “Les Témoins de Jéhovah” ne comportait aucune rubrique comportant l’intitulé ou la revendication de la qualification de “don manuel”, ce que l’association soulignait en ce sens que le compte sur lequel les sommes litigieuses étaient enregistrées était intitulé “offrandes”, ce qui était reconnu par l’administration fiscale ; d’où il suit que la comptabilité de l’association ne comportait aucune révélation de l’existence de dons manuels portée à la connaissance de l’administration fiscale et qu’en décidant le contraire, la cour d’appel méconnaît les termes du litige dont elle était saisie en violation de l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant énoncé que l’article 757, alinéa 2, du Code général des impôts, qui prévoit que le don manuel révélé à l’administration fiscale par le donataire est sujet au droit de donation, n’exige pas l’aveu spontané du don de la part du donataire, la cour d’appel, qui a retenu que le contribuable avait présenté au vérificateur sa comptabilité, écrit émanant du donataire sur lequel se trouvaient enregistrées des sommes d’argent qu’elle a qualifiées de dons manuels, a décidé, à bon droit, que cette présentation par l’association de sa comptabilité lors d’une vérification régulièrement menée par l’administration fiscale, fût-elle la mise en oeuvre de l’obligation légale d’établissement et de présentation des documents comptables, valait révélation au sens de l’article 757, alinéa 2, précité, abstraction faite des motifs surabondants visés par la seconde branche du moyen ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que l’association fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que les exigences d’un procès équitable imposent au juge qui estime devoir forger sa conviction sur une pièce déterminée non produite aux débats et dont la communication n’a été exigée par aucun contradicteur, d’enjoindre à la partie concernée de produire cette pièce et de procéder à la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer contradictoirement ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions du 7 janvier 2002, l’administration fiscale soutenait que “l’exonération de l’article 795-10 du même Code est en revanche subordonnée à une décision d’autorisation de recevoir des dons et legs par l’autorité compétente, celle-ci s’imposant à l’administration fiscale et au juge de l’impôt” et, après avoir constaté l’absence d’autorisation, l’Administration concluait que “la situation de l’association au regard des droits de mutation à titre gratuit n’est que la conséquence de cette situation, de sorte que le débat de fond sur le caractère cultuel ou non de l’association est étranger au présent litige” ; qu’écartant ce moyen, la cour d’appel a estimé qu’il lui appartenait d’apprécier le caractère cultuel de l’association pour l’application de l’article 795-10 du Code général des impôts, mais a rejeté tous les éléments de preuve fournis par l’association, lui reprochant de ne pas avoir pris l’initiative de produire ses statuts “condition première de la reconnaissance du statut d’association cultuelle” ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’il lui appartenait en l’état des moyens dont elle était saisie d’ordonner la communication des statuts de l’association “Les Témoins de Jéhovah” qu’elle estimait déterminants pour la solution du litige, la cour d’appel ne satisfait pas aux exigences de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, le procès n’étant pas à armes égales ;
2 / que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; que ce droit implique la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ; que l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907 prévoit que l’exercice d’un culte peut être assuré au moyen d’associations régies par la loi de 1901 ; que l’article 795-10 du Code général des impôts exonère de droit de mutation à titre gratuit les dons et legs faits aux associations cultuelles ; qu’il appartenait dès lors au juge judiciaire devant qui était revendiquée la qualité d’association cultuelle, de s’assurer de la réalité de cette qualité en faisant ordonner au besoin la production des pièces qu’il estimait nécessaire, dès lors qu’elle était possible, ce qui était le cas des statuts de l’association “Les Témoins de Jéhovah” ; qu’en statuant dès lors comme elle le fait, la cour d’appel n’offre pas les garanties nécessaires pour assurer l’effectivité de la liberté d’exercice d’un culte et viole l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 795-10 du Code général des impôts sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les dons et legs faits aux associations cultuelles, aux unions d’associations cultuelles et aux congrégations autorisées ;
Attendu que la cour d’appel ayant relevé, par un motif non critiqué, que l’association ne justifiait pas d’une autorisation ministérielle ou préfectorale contemporaine du fait générateur de l’imposition, est inopérant le moyen pris de ce que le refus de reconnaître à l’association la qualité d’association cultuelle ne pouvait être décidé par la cour d’appel sans que soit préalablement ordonnée la production des pièces de nature à établir cette qualité ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le cinquième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que l’association reproche à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande subsidiaire tendant à voir juger que l’administration fiscale avait méconnu les dispositions de l’article 16 de la loi n° 96-316 du 12 avril 1996 prévoyant une réduction d’impôt de 25 % sur l’ensemble des dons effectués par les donateurs âgés de moins de 75 ans et, en conséquence, d’avoir rejeté sa demande d’annulation de la notification de redressement et de l’avis de mise en recouvrement, alors, selon le moyen :
1 / qu’il n’était nullement acquis que l’âge du donateur devait s’apprécier pour les dons manuels révélés à la date de la déclaration à la formalité de l’enregistrement, mais qu’il s’agissait seulement de la position défendue par l’administration fiscale sur la base de l’instruction 7-G-2-97 du 17 février 1997, publiée au bulletin officiel des impôts n° 40 du 26 février 1997 ; d’où il suit qu’en s’en remettant entièrement à l’interprétation faite par l’Administration de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996, la cour d’appel refuse d’exercer les pouvoirs qu’elle tient des articles 4 du Code civil et 12 du nouveau Code de procédure civile, violés ;
2 / qu’aucune disposition légale ne subordonne la réduction du taux des droits dus sur une donation manuelle en vertu de la loi du 12 avril 1996 à la formalité d’une présentation à l’enregistrement d’une déclaration du donataire, d’où il suit qu’en statuant comme elle le fait, la cour d’appel viole les articles 15 et 16 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article 790 du Code général des impôts, dans sa rédaction issue des articles 15 et 16 de la loi du 12 avril 1996, que les donations bénéficiant de la réduction du taux d’imposition prévue par ce texte en fonction de l’âge du donateur sont celles consenties par actes passés à compter du 1er avril 1996 ; que, dès lors, la cour d’appel a décidé, à bon droit, sans encourir les griefs du moyen, que la réduction de droits ne pouvait profiter aux dons manuels révélés qu’à la condition qu’ils aient fait l’objet d’une déclaration présentée à la formalité de l’enregistrement et, constatant qu’en l’espèce l’association avait refusé de procéder à cette déclaration, qu’elle ne pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 790, précité ;
que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’association Les Témoins de Jéhovah aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande formée par l’association Les Témoins de Jéhovah ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille quatre.