Risoluzione 07 settembre 2004, n.1390
Consiglio d’europa. Risoluzione 7 settembre 2004, n. 1390: “Nouvelle loi bulgare sur la religion (dite loi sur les cultes – 2002)”
1. La nouvelle loi bulgare sur la religion, dite loi sur les cultes de 2002, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, en remplacement de la loi sur les confessions de 1949, qui autorisait la libre intervention du gouvernement dans les affaires intérieures de toutes les confessions religieuses. Après des années de négociations interminables sur divers projets, la loi sur les cultes a été adoptée à la fin du mois de décembre 2002.
2. La loi sur les cultes de 2002 marque un grand pas en avant par rapport à la précédente loi sur les confessions de 1949. Elle reconnaît la liberté de religion comme un droit fondamental, déclare que toutes les religions sont libres et égales, et consacre la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Dans le même temps, elle autorise l’Etat et les collectivités locales à apporter leur soutien aux activités religieuses, y compris par l’intermédiaire d’avantages fiscaux et par la mise à disposition de lieux de culte. Enfin, elle opère un changement important dans le rôle de la Direction des affaires religieuses du Conseil des ministres bulgare, qui, d’organe de direction et de contrôle, devient un organe principalement consultatif, dont la tâche est de veiller au respect de la liberté de religion.
3. La loi sur les cultes de 2002 a toutefois suscité quelques critiques de la part de nombreuses communautés religieuses – à l’exception de l’Eglise orthodoxe bulgare officielle, dirigée par le patriarche Maxim, et de la communauté juive – et d’ONG comme le Comité Helsinki de Bulgarie.
4. De nombreuses communautés religieuses déplorent les dispositions contenues dans la loi – en particulier l’article 10 – qui confèrent à l’Eglise orthodoxe bulgare un rôle spécifique et la dispensent de l’obligation d’enregistrement généralement prévue par la loi comme condition préalable à la personnalité juridique. Elles craignent l’incidence psychologique de cette disposition, qui pourrait entraîner une discrimination à l’encontre d’autres religions à différents niveaux de l’administration de l’Etat. Certaines difficultés pratiques sont d’ores et déjà apparues, à propos d’inégalités de fait signalées dans le traitement fiscal des sources de revenu de différentes communautés religieuses, en matière d’accès à l’enseignement de la religion et au sujet de retards dans le traitement de demandes d’enregistrement.
5. La médiocre qualité de la rédaction de la loi, qui a entraîné la confusion et suscité de vives inquiétudes au sein de nombreux groupes religieux, laisse quelque peu perplexe. Les dispositions fondamentales régissant l’enregistrement des institutions religieuses et les conditions dans lesquelles un nouvel enregistrement des institutions existantes est nécessaire (à l’échelle nationale et/ou locale) semblent en effet peu précises. Ni la procédure à suivre (délais, recours, nature contradictoire de la procédure, rôle précis de la Direction des affaires religieuses) ni les critères substantiels pour l’enregistrement ne sont énoncés clairement dans la loi. De même, la loi ne reconnaît pas explicitement la liberté de pensée (c’est-à-dire le droit de ne pas croire) et ne fait pas la lumière sur les droits des croyants appartenant à des communautés religieuses non enregistrées.
6. La formulation, à l’article 7 de la loi, des restrictions à l’encontre des libertés religieuses a également suscité des inquiétudes. Plus particulièrement, l’interdiction de l’usage de la religion «à des fins politiques», conjuguée avec les dispositions punitives de la loi, pourrait en effet exclure les communautés religieuses de débats politiques majeurs au sein de la société civile sur des questions comme l’avortement, l’euthanasie, le clonage, les politiques sociales et familiales, qui sont aussi directement liées aux valeurs qu’elles défendent.
7. Les doutes les plus sérieux portent sur l’intervention de l’Etat, qui est autorisée, et même directement commandée par la loi sur les cultes de 2002 dans les affaires intérieures des communautés religieuses. Cela concerne en particulier le conflit qui oppose les dirigeants des deux synodes de l’Eglise orthodoxe bulgare, respectivement le patriarche Maxim et le métropolite Innokentii, ce dernier contestant la légitimité de Maxim en tant que patriarche. La reconnaissance par la loi de l’Eglise orthodoxe bulgare, telle qu’elle est définie de façon très précise à l’article 10, paragraphe 1, qui exempte cette institution de la procédure habituelle d’enregistrement et prévoit également un contrôle de la légitimité de la direction, est généralement considérée comme étant destinée à régler le conflit entre Maxim et Innokentii, à l’avantage du premier. Le synode dissident est en effet dans l’impossibilité de se faire enregistrer en tant que nouvelle institution religieuse, compte tenu de l’interdiction d’enregistrement frappant une autre institution portant le même nom et occupant les mêmes locaux, et des dispositions punitives habilitant la Direction des affaires religieuses à sanctionner des «représentants non autorisés».
8. L’Assemblée parlementaire, ayant pris en compte la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme en l’espèce, telle que développée en particulier dans ses arrêts à propos des affaires Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova, Serif c. Grèce et Kokkinakis c. Grèce, considère que:
i. la liberté de pensée, de conscience et de religion est l’un des fondements d’une «société démocratique», au sens de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH);
ii. le rôle de l’Etat est celui d’un organisateur neutre et impartial de l’exercice de plusieurs religions, convictions et croyances;
iii. les communautés religieuses ne peuvent faire l’objet de discrimination par rapport à d’autres acteurs de la société civile; leurs activités «ne peu[ven]t faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui» (voir article 9, paragraphe 2, de la CEDH);
iv. la loi prévoyant des restrictions à la liberté de religion doit satisfaire aux exigences de clarté et de prévisibilité découlant du principe de la primauté du droit afin d’éviter de conférer au pouvoir exécutif un pouvoir discrétionnaire pour intervenir dans les affaires religieuses;
v. dans les sociétés démocratiques, l’Etat n’a pas besoin de prendre des mesures pour garantir que les communautés religieuses demeurent ou sont placées sous une direction unique. Les tensions résultant de situations où une communauté religieuse se divise sont une des conséquences inévitables du pluralisme. Le rôle des autorités en pareille circonstance ne consiste pas à éliminer la cause de tension en supprimant le pluralisme, mais à veiller à ce que les groupes concurrents se tolèrent.
9. L’Assemblée, dès lors, recommande aux autorités bulgares:
i. en ce qui concerne l’article 10 de la loi:
a. paragraphes 1 et 3 (reconnaissance spéciale de l’orthodoxie orientale et principe de non-discrimination): tout en reconnaissant que le texte de ces dispositions ne peut donner lieu en soi à aucune objection, de garantir que la reconnaissance spéciale octroyée à l’orthodoxie orientale ne donne pas lieu à un traitement discriminatoire à l’égard d’autres religions pour des raisons pratiques telles que le soutien de l’Etat ou de la municipalité, la restitution des biens, le traitement en matière fiscale, l’enseignement de la religion, etc.;
b. paragraphe 2 (reconnaissance par la loi de l’Eglise orthodoxe bulgare): soit de supprimer totalement cette disposition, en soumettant ainsi l’Eglise orthodoxe bulgare aux mêmes obligations d’enregistrement que les autres communautés religieuses; soit de garantir par d’autres moyens, sans ingérence de l’exécutif, que la direction de l’Eglise orthodoxe bulgare est légitime en vertu du droit canonique orthodoxe;
ii. en ce qui concerne l’article 15, paragraphe 2 (non-enregistrement d’une communauté religieuse identique): soit de supprimer dans sa totalité cette disposition, soit de garantir son interprétation de sorte que seule la stricte identité des noms et sièges sociaux exclue l’enregistrement d’un groupe dissident;
iii. en ce qui concerne l’article 14 et les suivants (enregistrement des communautés religieuses):
a. en ce qui concerne les critères substantiels pour l’enregistrement: soit de compléter par une mention expresse précisant que le tribunal de la ville de Sofia et la Direction des affaires religieuses ne peuvent porter de jugement de valeur sur des croyances ou des règles religieuses, soit de garantir que ces dispositions sont appliquées de sorte que toutes les communautés religieuses seront enregistrées, à condition qu’elles garantissent que les informations prévues à l’article 17, leurs nom et siège social ne sont pas strictement identiques à ceux d’une autre communauté religieuse ayant déposé une demande d’enregistrement antérieure, et qu’elles ne constitueront pas une violation de l’article 7 tel que modifié ou interprété en vertu de l’article 9 de la CEDH;
b. en ce qui concerne la procédure d’enregistrement: de préciser le caractère non obligatoire des opinions de la Direction des affaires religieuses; de garantir la nature contradictoire de la procédure d’enregistrement, notamment l’accès libre à l’information, une procédure équitable pour l’organisme qui dépose la demande, et la motivation des décisions;
iv. en ce qui concerne l’article 7 (limites à la liberté de religion): soit de modifier son texte pour y incorporer celui de l’article 9, paragraphe 2, de la CEDH, soit de garantir qu’il est interprété de façon stricte et appliqué conformément aux principes de la Convention, en particulier en ce qui concerne la participation légitime des communautés religieuses aux débats politiques publics;
v. en ce qui concerne l’article 36 et suivants (dispositions punitives): de préciser dans le texte de la loi, ou de garantir par son interprétation, que la procédure à suivre en matière d’imposition de peines et de recours formés contre ces dernières satisfera aux exigences d’un procès équitable régi par la primauté du droit.
Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 7 septembre 2004 (voir Doc. 10065 et corrigendum, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Contestabile).
Autore:
Consiglio d'Europa
Parole chiave:
Confessioni religiose, Associazioni religiose, Diritti fondamentali, Culto, Diritti umani, Principio di laicità, Minoranze religiose
Natura:
Risoluzione