Decisione 11 gennaio 2005, n.35753/03
Corte Europea dei Diritti dell’Uomo. Sentenza 11 gennaio 2005: “Phull v. France: Simboli religiosi e sicurezza negli areoporti. Lamentata violazione degli artt. 2 e 9 della C.E.D.U.”
COUR EUROPÈENNE DES DROITS DE L’HOMME
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n.º 35753/03
présentée par Suku PHULL
contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 11 janvier 2005 en une chambre composée de:
MM. A.B. BAKA, président,
J.-P. COSTA,
R. TÜRMEN,
K. JUNGWIERT,
M. UGREKHELIDZE,
Mmes A. MULARONI,
E. FURA-SANDSTRÖM, juges,
et de Mme S. DOLLE, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 13 novembre 2003,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante:
EN FAIT
Le requérant, M. Suku Phull, est un ressortissant britannique, né en 1953 et résidant au Royaume-Uni.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est sikh pratiquant, religion qui impose à ses fidèles le port du turban. Il expose qu’en octobre 2003, il s’est rendu à Strasbourg dans le cadre de son travail et qu’au retour, le 10 octobre 2003, à l’aéroport d’Entzheim, alors qu’il traversait le sas de sécurité pour pénétrer dans la zone d’embarquement, les agents de sûreté l’obligèrent à retirer son turban pour contrôle.
GRIEFS
Invoquant l’article 9 de la Convention, le requérant dénonce une atteinte à son droit à la liberté de religion imputable aux autorités aéroportuaires. Il estime qu’il n’était pas nécessaire de l’obliger à retirer son turban dans le cadre du contrôle de sécurité litigieux, d’autant moins qu’il n’avait refusé ni de passer par le portique de détection de métaux ni d’être contrôlé avec un détecteur manuel.
Invoquant l’article 2 du Protocole no 4, le requérant se plaint en outre d’une violation de son droit à la liberté de circulation. Selon lui, il devrait être dispensé de suivre les procédures de sécurité de cette nature sur les territoires des Etats membres de l’Union européenne puisqu’il est citoyen de l’un de ces Etats.
EN DROIT
Le requérant dénonce une atteinte à son droit à la liberté de religion imputable aux autorités aéroportuaires. Il estime qu’il n’était pas nécessaire de l’obliger à retirer son turban dans le cadre du contrôle de sécurité litigieux, d’autant moins qu’il n’avait refusé ni de passer par le portique de détection de métaux ni d’être contrôlé avec un détecteur manuel. Il invoque l’article 9 de la Convention, aux termes duquel:
“1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ”
Le requérant se plaint en outre d’une violation de son droit à la liberté de circulation. Selon lui, il devrait être dispensé de suivre les procédures de sécurité de cette nature sur les territoires des Etats membres de l’Union européenne puisqu’il est citoyen de l’un de ces Etats. Il invoque l’article 2 du Protocole no 4, lequel est ainsi libellé:
“1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.
2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.
3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l’objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l’intérêt public dans une société démocratique.”
La Cour relève que le requérant n’a pas préalablement saisi les juridictions françaises de ses griefs. Elle juge cependant inutile de vérifier s’il disposait ou non de voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention, dans la mesure où, en tout état de cause, la requête est irrecevable pour d’autres motifs, ci-dessous énoncés.
Quant au premier grief, la religion sikh exigeant de ses fidèles de sexe masculin qu’ils portent le turban, la Cour peut partir de l’idée que la mesure litigieuse est constitutive d’une ingérence dans l’exercice de la liberté du requérant de manifester sa religion ou ses convictions. Elle constate ensuite que le requérant ne soutient pas que cette mesure n’était pas “ prévue par la loi ”, et elle considère qu’elle visait au moins l’un des buts légitimes énumérés au second paragraphe de l’article 9 (garantir la sécurité publique).
Il reste donc à déterminer si cette ingérence était “ nécessaire[], dans une société démocratique, à la sécurité publique ”, au sens du second paragraphe de l’article 9.
Dans l’affaire X. c. Royaume-Uni (n.º 7992/77, décision de la Commission européenne des Droits de l’Homme du 12 juillet 1978, DR 14, p. 234), le requérant, sikh pratiquant, avait été condamné à des amendes pour infractions à l’obligation faite aux conducteurs de motocycles de porter un casque de protection; il soutenait que sa religion l’obligeait à porter le turban, ce qui rendait impossible le port du casque, et dénonçait une violation de l’article 9. La Commission a estimé que le port obligatoire d’un casque était une mesure de sécurité nécessaire et que toute ingérence que le requérant pouvait avoir subie de ce fait dans l’exercice de son droit à la liberté de religion était justifiée pour la protection de la santé, en vertu de l’article 9 § 2.
La Cour parvient à une conclusion similaire en la présente affaire. D’une part, les contrôles de sécurité dans les aéroports sont sans aucun doute nécessaires à la sécurité publique au sens de cette disposition. D’autre part, les modalités de leur mise en œuvre en l’espèce entrent dans la marge d’appréciation de l’Etat défendeur, d’autant plus clairement qu’il ne s’agit que d’une mesure ponctuelle. Cette partie de la requête est donc manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Quant au second grief, la Cour estime qu’en tant que tels, les contrôles de sécurité auxquels les passagers sont astreints dans les aéroports avant d’embarquer ne sont pas constitutifs de restrictions à la liberté de circulation. Cette partie de la requête est donc incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
S. DOLLE, Greffière
A.B. BAKA, Président
Autore:
Corte Europea dei Diritti dell'Uomo
Dossier:
C.E.D.U. - Strasburgo
Nazione:
Francia
Parole chiave:
Diritti fondamentali, Libertà religiosa, Professione religiosa, Sicurezza pubblica, Controlli, Turbante, Aeroporto, Libertà di circolazione
Natura:
Decisione