Circolare 12 dicembre 1989
Ministère de l’Education Nationale. Circulaire du 12 decembre 1989: “Laïcité, port de signes religieux par les élèves et caractère obligatoire des enseignements”.
(Bulletin Officiel du ministère de l’Education Nationale n° 46 du 21 décembre 1989)
Texte adressé aux recteurs, aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’Education, aux IDEN, aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement scolaire.
NOR : MENX8910373C
La laïcité, principe constitutionnel de la République, est un des fondements de l’Ecole publique. A l’école comme ailleurs, les croyances religieuses de chacun sont affaire de conscience individuelle et relèvent donc de la liberté. Mais à l’école, où se retrouvent tous les jeunes sans aucune discrimination, l’exercice de la liberté de conscience, dans le respect du pluralisme et de la neutralité du service public, impose que l’ensemble de la communauté éducative vive à l’abri de toute pression idéologique ou religieuse.
Compte tenu de certains faits récents, j’entends, dans le respect des droits de chacun, éviter les empiétements commis à l’encontre de la laïcité. M’adressant à tous les membres de la communauté éducative, je leur redis mon souci de les aider dans leur tâche.
Les controverses qu’a provoquées le port d’un foulard par quelques jeunes filles de confession islamique m’ont conduit, compte tenu des difficultés d’interprétation du droit, à saisir le Conseil d’Etat. Celui-ci a émis un avis relatif au port de signes religieux à l’école publique. Par cet avis du 27 novembre 1989, il a procédé à l’analyse des textes constitutionnels, des engagements internationaux conclus par la France et des dispositions législatives et réglementaires qui garantissent les principes de laïcité et de liberté de conscience.
Le Conseil d’Etat a marqué qu’il ne peut y avoir d’interdiction générale et absolue du port du foulard ou de tout autre signe religieux mais que ce port peut être prohibé en fonction des principes qu’il énumère dans son avis et au regard des circonstances locales. Il souligne qu’il incombe en droit aux conseils d’école, compte tenu du règlement type départemental arrêté par l’inspecteur d’académie, et aux conseils d’administration des collèges et des lycées de fixer, en cas de besoin et au regard des comportements individuels et collectifs appréciés localement, les modalités d’application des principes qu’il a dégagés.
Dans le cadre des responsabilités qui sont les miennes, je tiens à vous donner les orientations et les indications qui vous aideront à mettre en oeuvre, avec fermeté et dans le respect du droit, le principe de laïcité.
Lorsqu’un conflit surgit à propos du port de signes religieux, je vous demande ainsi qu’à votre équipe éducative de vous inspirer chaque fois de l’état d’esprit suivant. Le dialogue doit être immédiatement engagé avec le jeune et ses parents afin que, dans l’intérêt de l’élève et le souci du bon fonctionnement de l’école, il soit renoncé au port de ces signes. Vous devez consacrer à ce dialogue toute votre capacité de conviction et votre disponibilité. Bien des problèmes pourront en effet être résolus par le dialogue, l’action continue des chefs d’établissement et des équipes éducatives et par la pratique quotidienne des enseignants. Si, au terme d’un délai raisonnable, le conflit persiste, alors il vous incombe de faire en sorte que, dans le respect des principes rappelés par le Conseil d’Etat, les règles de laïcité de l’école soient pleinement appliquées, selon les procédures de droit.
Quant au respect du caractère obligatoire des enseignements et aux obligations de laïcité des enseignants, je rappelle qu’ils s’imposent à tous et ne sauraient être discutés.
I. Le port de signes religieux par les élèves
Le port de signes religieux par les élèves n’est pas lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il relève de l’exercice de la liberté d’expression et de manifestation de croyances religieuses affirmée par la Constitution, les conventions internationales ratifiées par la France et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Cette liberté s’exerce dans le respect de la liberté d’autrui et des principes de l’organisation et du fonctionnement du service public d’éducation. Comme l’affirme le Conseil d’Etat, elle ” ne saurait permettre aux élèves d’arborer des signes d’appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l’élève ou d’autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d’enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l’ordre dans l’établissement ou le fonctionnement du service public “.
Ainsi, les élèves doivent se garder de toute marque ostentatoire, vestimentaire ou autre, tendant à promouvoir une croyance religieuse. Sont à proscrire tous les comportements de prosélytisme qui vont au-delà des simples convictions religieuses et qui visent à convaincre les autres élèves ou les autres membres de la communauté éducative et à leur servir d’exemple. Les observations et considérations qui précèdent doivent s’appliquer dans les mêmes conditions aux signes et comportements de nature et de portée politiques.
Sont aussi à prohiber tous les signes qui, en appelant à une discrimination selon les opinions politiques, philosophiques, religieuses, le sexe ou l’appartenance ethnique contredisent les principes, les valeurs et les lois de notre société démocratique.
Le caractère démonstratif des vêtements ou des signes portés peut notamment s’apprécier en fonction de l’attitude et des propos des élèves et des parents.
Les vêtements des élèves ne doivent en aucun cas empêcher l’accomplissement normal des exercices inhérents à l’éducation physique et sportive ou aux travaux pratiques ou d’atelier organisés en certaines matières. De même, sont à interdire toutes les tenues susceptibles de gêner la conduite de la classe et le bon déroulement de l’activité pédagogique.
Par ailleurs, les exigences relatives à la sécurité et à la santé doivent s’imposer sans réserve aux élèves. Ceux-ci doivent porter une tenue n’entraînant aucun danger pour eux-mêmes ou pour autrui au sein des établissements. Ne peuvent être acceptées les tentatives de se soustraire aux contrôles sanitaires et aux vaccinations prévus dans l’intérêt des élèves et de la communauté éducative.
Tout jeune doit être respecté dans sa personnalité. Ce respect est d’ailleurs, vis-à-vis des autres jeunes, partie intégrante du rôle éducatif de l’Ecole ; mais le jeune doit apprendre et comprendre que le respect de la liberté de conscience d’autrui appelle de sa part une réserve personnelle.
Ces principes s’imposent à tous. Les écoles ou les établissements peuvent introduire dans leur règlement intérieur des dispositions destinées à en assurer l’application.
En cas de manquement à ces principes et dispositions, et pour parvenir à la solution des conflits, le directeur d’école ou le chef d’établissement, l’équipe éducative, auront d’abord recours à la persuasion plutôt qu’à la contrainte en appréciant la situation concrète et son contexte.
Les conditions de ce dialogue, la difficulté des appréciations à formuler font peser sur les chefs d’établissement et les équipes éducatives d’importantes responsabilités. Elles peuvent les exposer à des pressions, voire à des menaces. Dans ce cas, j’entends exercer par tous les moyens et sans délai les pouvoirs de protection des fonctionnaires que me reconnaît le statut général de la fonction publique. En particulier, je diligenterai les actions juridictionnelles appropriées.
Pour imposer, en cas d’échec du dialogue, la mise en oeuvre des règles applicables, les responsables d’établissement peuvent recourir à différentes procédures :
Une action disciplinaire peut être engagée. Il appartient aux autorités détentrices du pouvoir disciplinaire d’apprécier si le port d’un signe religieux par un élève ou le comportement de celui-ci dans les lieux affectés à l’enseignement public constitue une faute de nature à justifier une sanction. Je rappelle que le juge administratif, s’il est saisi, contrôlera la légalité de cette appréciation.
Le régime disciplinaire est différent dans les écoles, d’une part, et dans les collèges et lycées, d’autre part.
S’agissant des écoles, pour lesquelles il n’y a pas de disposition réglementaire de caractère national, les mesures susceptibles d’être prises peuvent aller jusqu’à l’exclusion ainsi que l’a marqué le Conseil d’Etat. Dans ce dernier cas, je souhaite que le conseil d’école soit consulté. Préalablement à toute sanction, les familles sont entendues.
En cas d’exclusion, les autorités académiques informeront les familles des possibilités qui leur sont offertes afin de satisfaire à l’obligation scolaire.
Un refus d’admission dans une autre école publique ne pourrait être justifié que par le risque d’une menace pour l’ordre dans l’établissement ou pour le fonctionnement normal du service de l’enseignement.
S’agissant des collèges et des lycées, je vous rappelle que le régime disciplinaire est fixé par les dispositions des décrets no 85-924 du 30 août 1985 et no 85-1348 du 18 décembre 1985.
Je précise à cet égard que, si le règlement intérieur peut prévoir des sanctions particulières, seul le conseil de discipline, sur proposition motivée du chef d’établissement, a compétence pour prononcer, à l’encontre d’un élève, soit l’exclusion temporaire supérieure à huit jours, soit l’exclusion définitive.
Dans tous les cas, les droits de la défense, tels qu’ils sont garantis par les textes et les principes généraux du droit, doivent être scrupuleusement respectés. Aucune sanction ne peut être prononcée par un chef d’établissement sans que l’élève ait été entendu. J’attire particulièrement votre attention sur le fait que le conseil de discipline n’est pas un tribunal mais une instance éducative.
Par ailleurs, responsable de l’ordre et du bon fonctionnement de l’établissement, le directeur de l’école ou le chef d’établissement peut, dans la mesure et pour la durée nécessaires au rétablissement du déroulement normal des enseignements, refuser l’admission d’un élève qui perturberait gravement le fonctionnement du service public. En particulier, en application de l’article 6 du décret du 18 décembre 1985, en cas de nécessité avérée, le chef d’établissement peut, à titre conservatoire, interdire l’accès de l’établissement à un élève en attendant la comparution de celui-ci devant le conseil de discipline. S’il est mineur, l’élève est, dans ce cas, remis à sa famille ou à la personne qui exerce à son égard la puissance parentale ou la tutelle. Cette mesure ne présente pas le caractère d’une sanction.
Dans tous les cas, préalablement à l’éviction temporaire de l’élève, l’intéressé et sa famille doivent être entendus.
Lorsqu’une décision d’éviction est prise, aucune distinction ne peut être opérée entre la classe et les autres lieux affectés aux activités éducatives.
II. Le caractère obligatoire des enseignements
Aucune atteinte ne doit être portée aux activités d’enseignement, au contenu des programmes et à l’obligation d’assiduité des élèves. La liberté d’expression reconnue aux élèves ne saurait contrevenir à ces obligations. Comme l’a souligné la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989, celles-ci ” incluent l’assiduité ” et ” consistent dans l’accomplissement des tâches inhérentes à leurs études et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements “.
C’est seulement dans le strict respect de ces prescriptions que tous les élèves peuvent acquérir une culture générale et une qualification reconnue, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. C’est ainsi qu’ils seront préparés à leurs responsabilités de citoyen et que sera favorisée et garantie l’égalité entre les hommes et les femmes, conformément aux dispositions de la loi d’orientation sur l’éducation.
Les élèves doivent suivre tous les enseignements correspondant à leur niveau de scolarité. Ces enseignements sont définis dans leurs contenus et dans leurs horaires par voie réglementaire. Dès lors, un élève ne peut en aucun cas refuser d’étudier certaines parties du programme de sa classe ni se dispenser de l’assistance à certains cours. L’emploi du temps en vigueur dans l’établissement s’impose aux élèves.
Le manquement à ces obligations entraîne des sanctions.
En cas de manque d’assiduité ou de refus d’un élève de suivre certains enseignements, une mise en demeure est adressée à l’élève et à sa famille qui leur rappelle que les programmes sont conçus dans l’intérêt même des élèves.
Si cette mesure n’est pas suivie d’effet dans les délais prescrits, des poursuites disciplinaires sont engagées. Si le défaut d’assiduité trouble le fonctionnement des enseignements, une mesure conservatoire d’éviction immédiate peut être justifiée.
En vertu de l’ordonnance no 59-45 du 6 janvier 1959, l’instruction est obligatoire de six à seize ans révolus pour les jeunes des deux sexes, français et étrangers. La violation de cette disposition constitue pour les personnes responsables du jeune une infraction. L’inspecteur d’académie leur adresse une mise en demeure. Lorsque l’élève a manqué la classe à plusieurs reprises sans motif légitime, l’infraction est poursuivie, à la diligence de l’inspecteur d’académie, par le procureur de la République. Elle est passible d’une amende.
La méconnaissance de l’obligation scolaire peut également entraîner la suspension ou la suppression du versement des prestations familiales.
L’absence momentanée à certains cours obligatoires pour un motif non légitime encourt les mêmes sanctions.
L’inspecteur d’académie, après mise en demeure des personnes responsables de l’enfant, transmet à l’organisme débiteur des prestations le nom de l’enfant ne remplissant pas les conditions d’assiduité. L’organisme ou service payeur ainsi informé des manquements à l’obligation scolaire doit suspendre le versement des prestations familiales afférentes à l’enfant dont les manquements lui sont signalés.
Le caractère obligatoire des enseignements n’interdit toutefois pas que, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, certaines autorisations d’absence soient accordées à titre exceptionnel et pour certains jours particuliers dans la mesure où ils correspondent à des fêtes religieuses, s’inscrivant dans un calendrier établi au plan national, et sans qu’il en résulte des perturbations du déroulement de la scolarité.
III. Les obligations de laïcité des enseignants
Le service public de l’enseignement est laïque. Ce principe de laïcité est l’un des aspects du principe plus général de la laïcité de la République. Ce principe doit s’imposer à l’Ecole avec une force particulière. Rien n’est plus vulnérable qu’une conscience d’enfant. Les scrupules à l’égard de la conscience des élèves doivent amplifier, s’agissant des enseignants, les exigences ordinaires de la neutralité du service public et du devoir de réserve de ses agents.
L’Ecole publique ne privilégie aucune doctrine. Elle ne s’interdit l’étude d’aucun champ du savoir. Guidée par l’esprit de libre examen, elle a pour devoir de transmettre à l’élève les connaissances et les méthodes lui permettant d’exercer librement ses choix. L’Ecole publique respecte de façon absolue la liberté de conscience des élèves. Ces rappels comportent des conséquences directes sur les contenus et les méthodes d’enseignement ; ils définissent l’exercice même de la fonction enseignante.
En conséquence, dans l’exercice de leurs fonctions, les enseignants, du fait de l’exemple qu’ils donnent explicitement ou implicitement à leurs élèves, doivent impérativement éviter toute marque distinctive de nature philosophique, religieuse ou politique qui porte atteinte à la liberté de conscience des enfants ainsi qu’au rôle éducatif reconnu aux familles. L’enseignant qui contreviendrait à cette règle commettrait une faute grave. A raison du trouble apporté au fonctionnement de l’établissement, il serait susceptible d’être immédiatement suspendu dans l’attente d’une action disciplinaire.
La présente circulaire ne prétend pas traiter de l’ensemble des questions inhérentes à la vie scolaire.
Ainsi, celles visées en particulier aux articles premier et 10 de la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 feront l’objet de décrets d’application.
Ces règles de laïcité et de neutralité sont inscrites dans la mission même de l’Ecole publique. Je sais combien les personnels de l’enseignement public y sont attachés. Ils en donnent la preuve quotidiennement dans l’exercice de leurs fonctions. Je tiens ici à leur renouveler mon soutien. Ensemble il nous appartient de faire vivre et comprendre l’idéal de la laïcité.
Autore:
Ministère de l'Education Nationale
Dossier:
Velo islamico
Nazione:
Francia
Parole chiave:
Coscienza individuale, Velo, Servizio pubblico, Principio costituzionale, Fondamento, Neutralità, Rispetto, Simboli religiosi, Credenze religiose, Libertà, Laicità, Pluralismo, Scuola pubblica
Natura:
Circolare