Osservatorio delle libertà ed istituzioni religiose

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Osservatorio delle Libertà ed Istituzioni Religiose

Documenti • 16 Ottobre 2004

Decisione 24 agosto 1999, n.21887/93

21887/93
24/08/1999 Corte Decisione Irricevibile 58
TROISIÈME SECTION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 21887/93
présentée par Christos JOSEPHIDES contre Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en chambre le 24 août 1999 en présence de

Sir Nicolas Bratza, président,
M. J.-P. Costa,
Mme F. Tulkens,
M. W. Fuhrmann,
M. K. Jungwiert,
M. K. Traja, juges,
M. F. Gölcüklü, juge ad hoc

et de Mme S. Dollé, greffière de section ;

Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 30 décembre 1992 par Christos Josephides contre la Turquie et enregistrée le 18 mai 1993 sous le n° de dossier 21887/93 ;

Vu les rapports prévus à l’article 49 du règlement de la Cour ;

Vu la non-présentation des observations du Gouvernement dans le délai imparti ;

Après en avoir délibéré ;

Rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant est un ressortissant chypriote, né en 1944. Il est avocat et réside à Athienou (Chypre).

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit:

Le requérant est propriétaire de terres cultivables dans la partie nord de Chypre, occupée depuis le 16 août 1974 par la Turquie. Ces terres totalisent une surface de 39.432 m² et se réfèrent aux titres Nos 25887, 23158, 23392, 31803, 25885, 23140, 25893 et 23126.

Le requérant s’est présenté, à plusieurs reprises, depuis l’invasion turque, devant la ligne de démarcation afin d’indiquer son intention de se rendre dans la partie occupée.

En décembre 1992 le requérant a participé, en tant que membre du Comité de Coordination, à l’organisation d’une marche pacifique vers l’église de St. Epiphanios, située dans la zone occupée à quatre kilomètres environ au nord-ouest du village d’Athienou.

Le 8 décembre 1992, le maire d’Athienou a invité l’Ambassadeur de Turquie auprès du Conseil de l’Europe à demander d’urgence au Gouvernement turc de donner les instructions nécessaires à l’armée d’occupation turque en Chypre afin que la marche susmentionnée puisse se dérouler dans des conditions de sécurité et de liberté de circulation.

Le 13 décembre 1992, le requérant, ainsi que 2OO autres personnes, ont marché du village d’Athienou jusqu’à la “zone tampon”, située entre les postes militaires de l’armée d’occupation turque et ceux de la garde nationale de la République de Chypre, où ils ont été arrêtés par des membres de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP).

Des officiers de l’UNFICYP ont informé le requérant et les autres participants à la marche qu’en l’absence d’autorisation de la part des autorités turques ils ne pourraient pas garantir leur sécurité s’ils persistaient dans leur effort d’atteindre l’église de St. Epiphanios.

Le requérant et les autres participants ont donc dû abandonner leur projet.

GRIEFS

Invoquant les articles 1, 5, 9, 10, 11, 13, 14 et 18 de la Convention et l’article 1 du Protocole N 1, le requérant se plaint de ce que les autorités turques lui interdisent, sous peine d’emprisonnement, de se rendre dans la partie nord de Chypre et l’empêchent de jouir de ses biens qui se situent dans la zone occupée, de pratiquer sa religion aux lieux traditionnels de culte orthodoxe, de s’associer avec des ressortissants chypriotes vivant dans la partie occupée et d’échanger des informations avec eux. Pour lui, il s’agit d’une violation continue depuis le 16 août 1974.

PROCÉDURE

La requête a été introduite le 30 décembre 1992 et enregistrée le 18 mai 1993.

Le 5 septembre 1994, la Commission européenne des Droits de l’Homme a décidé de porter la requête à la connaissance du gouvernement défendeur, mais sans l’inviter, à ce stade de la procédure, à présenter par écrit des observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

Le 8 avril 1995, la Commission a décidé d’ajourner l’examen de la requête jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour sur le fond de l’affaire Loizidou c. Turquie.

Le 23 janvier 1997, à la suite de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Loizidou (arrêt Loizidou du 18 décembre 1996 (fond), Recueil des arrêts et décisions 1996-VI), la Commission a invité le Gouvernement défendeur à déposer, jusqu’au 4 avril 1997 et à la lumière de cet arrêt, des observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

Le 2 avril 1997, le Gouvernement a demandé à la Commission d’ajourner la procédure jusqu’à ce que la Cour ait fini d’examiner l’affaire Loizidou. Le 18 avril 1997, la Commission a suspendu jusqu’au 5 septembre 1997 la demande concernant le dépôt des observations susmentionnées et, le 13 septembre 1997, elle a reporté au 8 décembre 1997 le délai pour le dépôt de celles-ci. Par la suite et à la demande du Gouvernement, le président de la Commission a consenti à proroger à quatre reprises ce délai jusqu’au 7 juillet 1998. Toutefois, le gouvernement n’a pas déposé d’observations.

A partir du 1er novembre 1998, en application de l’article 5 § 2 du Protocole n° 11 de la Convention, l’affaire est examinée par la Cour conformément aux dispositions de ce Protocole.

EN DROIT

1. Le requérant se plaint de ce que les autorités turques lui interdisent, sous peine d’emprisonnement, de se rendre dans la partie nord de Chypre et l’empêchent de jouir de ses biens qui se situent dans la zone occupée, de pratiquer sa religion aux lieux traditionnels de culte orthodoxe, de s’associer avec des ressortissants chypriotes vivant dans la partie occupée et d’échanger des informations avec eux. Il invoque les articles 1, 5, 9, 10, 11, 13, 14 et 18 de la Convention et l’article 1 du Protocole N 1.

L’article 1 de la Convention contient une obligation générale pour les Etats de respecter les droits et libertés garantis par la Convention. L’article 5 garantit le droit à la liberté et à la sûreté. Les articles 9, 10 et 11 proclament respectivement le droit à la liberté de religion, le droit à la liberté d’expression et le droit à la liberté d’association. L’article 13 garantit le droit à un recours effectif devant une instance nationale. L’article 14 interdit toute discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention. L’article 18 prévoit que les restrictions apportées aux droits et libertés énoncés par la Convention ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues. L’article 1 du Protocole n° 1 garantit le droit au respect des biens.

La Cour note, en premier lieu, que le Gouvernement défendeur n’a pas déposé d’observations sur le recevabilité de la requête, en dépit du fait qu’il avait amplement la possibilité de le faire. Elle en déduit que le Gouvernement ne conteste pas la recevabilité de la requête.

2. Quant aux articles 9, 10 et 11 de la Convention, le requérant soutient que l’interdiction qui lui est faite par l’armée turque de se rendre dans la partie occupée de Chypre emporte violation de ces articles : plus précisément, elle l’empêche de se rendre aux lieux traditionnels où il pratiquait sa religion et notamment à certains églises et monastères situés dans la partie nord de Chypre, de recevoir et de communiquer des informations et des idées vers cette partie, ce qui limite du reste tout rapprochement entre les deux cultures et le développement culturel des individus, et de tenir des réunions pacifiques et s’associer avec des citoyens vivant dans cette partie.

Toutefois, la Cour note que le requérant ne dispose, dans la partie nord de l’île, que de terres cultivables qu’il a héritées de ses parents. Elle rappelle que l’impossibilité pour tout cypriote-grec de se rendre dans cette partie est le résultat des opérations militaires et de la partition de l’île en 1974. Or l’interdiction faite au requérant par l’armée turque de franchir la ligne de démarcation ne l’empêche pas de pouvoir exercer les droits garantis par ces articles dans la partie sud de l’île dans laquelle il a toujours vécu.

Dès lors, la Cour ne relève aucune ingérence dans les droits du requérant à la liberté de religion, d’expression, de réunion pacifique et d’association. Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Le requérant se prétend en outre dans l’impossibilité de bénéficier du droit à la liberté et à la sûreté, garanti par l’article 5 de la Convention, en raison du fait que les autorités turques arrêtent et détiennent illégalement tout ressortissant chypriote-grec qui se rend dans la partie nord de l’île.

La Cour note que le requérant s’est présenté, à plusieurs reprises, devant la ligne de démarcation afin d’indiquer son intention de se rendre dans la partie occupée. En décembre 1992, il a même participé avec d’autres chypriotes-grecs à une marche pacifique qui devait pénétrer dans cette partie mais, à la « zone tampon », les participants ont été dissuadés par les officiers de l’UNFICYP et ont abandonné leur projet. A aucun moment, le requérant n’a été privé de sa liberté et dès lors il ne saurait se prétendre victime d’une violation de l’article 5.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

4. Le requérant allègue aussi une violation de l’article 18 de la Convention car les restrictions apportées à ses droits et libertés ne seraient pas appliquées dans le but pour lequel elles ont été prévues et lui porteraient un préjudice continu.

La Cour rappelle que l’article 18 ne peut être appliqué que conjointement avec un autre article de la Convention. Il ne peut y avoir violation de cet article que si le droit ou la liberté dont il s’agit peu être soumis à une restriction.

Aucune restriction n’ayant été apportée aux droits du requérant protégés par les articles 5, 9, 10 et 11 de la Convention, l’article 18 ne trouve pas à s’appliquer en ce qui concerne ces articles.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

5. Quant au restant des griefs, la Cour estime qu’ils posent des questions de fait et de droit suffisamment complexes pour que leur solution relève d’un examen au fond. Par conséquent, ils ne sauraient être rejetés comme manifestement mal fondés, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour constate par ailleurs que ceux-ci ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

DÉCLARE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés, le grief du requérant concernant les articles 1, 13, 14 et 18 de la Convention et 1 du Protocole n° 1 ;

DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE pour le surplus.

S. Dollé N. Bratza
Greffière Président